ore.
Pour parler statistiquement, l'empire britannique couvre aujourd'hui
plus d'un sixieme de la terre habitee. L'expansion phagedenique de
son imperialisme devorera tout le reste, s'il ne lui est oppose une
medication radicale et prompte.
Enfantee par Cromwell et concue dans l'Acte de navigation,--alimentee
par les fautes de Louis XIV, provoquant les nations a des guerres
inutiles, ou la France et la Hollande s'epuiserent l'une contre l'autre
au seul profit de leur rivale,--grandie en s'incorporant la substance
de nos grandes entreprises coloniales qu'abandonnaient aux Indes et
au Canada les politiciens de l'interieur, la puissance maritime de
l'Angleterre a pris toute sa force au moment meme ou Napoleon lui fut
livre par l'Europe, qui perdait ce jour-la son dernier defenseur.
Elle s'etale depuis lors dans un embonpoint, qui revet, sous la poussee
de l'Imperialisme, un inquietant aspect de turgescence. Voici deja
qu'apparaissent a fleur de peau les symptomes d'une couperose que
l'esthetique reprouve et que l'hygiene ne saurait tolerer: penibles
demangeaisons du cote des Indes, ou l'anemie voisine a la plethore,
fendillement du Canada, tumefaction de l'Australie par l'effet de cette
chaleur du sang qui fait eclater les vaisseaux de l'Afrique du Sud.
Cette efflorescence est due aux capiteuses doctrines, dont les premieres
gouttes furent distillees par lord Beaconsfield et que M. Chamberlain
repand a flots depuis quelques annees; c'est a lui qu'il faut s'en
prendre si la nation anglaise, a l'exception de quelques tetes solides,
est enivree par le suc fermente de l'herbe guerriere qui lui a fait
perdre la notion des realites on meme temps que le sentiment des
devoirs. Quand et comment cela va-t-il finir? Il n'y a rien de tel
pour degriser les gens ivres que de voir couler leur sang. C'est le
douloureux spectacle offert en ce moment a la nation anglaise. Elle s'en
trouvera bien; l'avertissement et la saignee seront profitables a
sa nature apoplectique, congestionnee chaque jour davantage par la
satisfaction abusive d'un "besoin de prendre" que ne limite plus aucune
consideration de respect humain.
Il faut souhaiter pour l'Angleterre et pour le genre humain que cette
intoxication ne se prolonge pas et que la cervelle britannique soit
bientot debarrassee des manifestations delirantes de ce "jingoisme"
qui met a l'unisson avec les elucubrations des chansonnettistes de
cafe-concert les inspirations d'un admirable ecriv
|