deblayant enfin le terrain pour l'heure
tragique ou l'Allemagne, isolee au Transvaal en 1895, et la France
abandonnee en 1898 au Bahr-el-Ghazal et n'ayant pas trouve en 1899 le
ciment d'une intervention commune, resteraient enfermees chez elles
pendant que la Russie se heurterait du front a l'Empire des Indes.
L'autre stratageme est un adjuvant du premier: c'est la politique du
fait accompli ou pretendu tel. On dit au Portugal: "Toute resistance
serait inutile a Delagoa-Bay, nous nous sommes mis d'accord sur ce point
avec l'Allemagne", en meme temps que l'on dit a la France: "Restez
chez vous, l'accord anglo-allemand est conclu". Des affirmations aussi
precises deconcertent le scepticisme le plus exerce; on se desinteresse
d'une lutte desormais inutile, et a force de considerer comme accompli
un fait qui ne l'est pas, on lui laisse le temps de s'accomplir et on
lui en fournit les moyens.
De tels procedes se rencontrent dans la meilleure societe, ainsi que
dans la plus mauvaise, et il y suffit a l'occasion d'une liaison
coupable mais imaginaire pour empecher un mariage, qui serait heureux et
fecond: "N'epousez pas cet homme-la, ma fille, il a une chaine... Quelle
horreur!" Et, bien souvent, tout cela n'est que potins de commere
interessee.
On y parerait aisement avec une enquete minutieuse et discrete, mais
l'accord des familles est trouble par l'insistance du propos, et le
projet se trouve insensiblement abandonne si les conjoints n'eprouvent
pas l'un pour l'autre une de ces inclinations qui resistent a tous les
mauvais desseins. Or, le penchant des grandes nations europeennes est-il
assez puissant pour les jeter dans les bras les unes des autres en depit
de ces racontars, repercutes avec une malfaisance denuee de malice dans
l'entourage de chacune d'elles par quelques vieilles portieres de la
diplomatie de presse, qui, ne sachant pas grand'chose, sont frequemment
exposees a parler de ce qu'elles ne savent pas; or, des negociations
secretes, elles ne savent guere que ce que ceux qui les conduisent out
interet a leur laisser savoir pour le leur faire publier. Une savante
campagne parait avoir ete menee de la sorte, en vue de parer aux
dispositions inquietantes de l'Europe, a qui l'affaire sud-africaine
allait peut-etre fournir une occasion inesperee de sortir du chaos en
lui faisant prendre conscience de ses interets generaux, mis en evidence
par les fautes de son veritable ennemi.
II
La France n'a plus d'
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