Charles Lucas, et divers autres jurisconsultes d'une competence
speciale sur les questions de cet ordre, il deboute l'Angleterre de ses
pretentions a un protectorat qui n'avait d'ailleurs aucune raison d'etre
vis-a-vis d'un Etat adulte, emancipe depuis 1884 et actuellement en
plein exercice de sa majorite.
De cette consultation, extremement interessante au point de vue
juridique, je ne retiendrai qu'une observation de bons sens, aussi
decisive que la plus savante argumentation juridique, sur l'essence
irreductible du protectorat, qui est l'obligation pour les pays
protecteurs de defendre le pays protege; or le Transvaal, nanti
par l'aveu meme de l'Angleterre, d'un titre de protectorat, sur le
Souaziland, qui le montre en etat de pourvoir non seulement a sa propre
defense, mais encore a celle du voisinage--le Transvaal a si peu besoin
de protection pour lui-meme qu'il a deja deux fois repondu par de
memorables corrections aux airs protecteurs de celui qui pretendait
s'immiscer dans ses affaires. L'emploi du mot protection est la
doublement abusif, puisque en premier lieu le protege a toujours eu
jusqu'a present le dessus sur son protecteur, et que, d'autre part,
l'intervention anglaise tend a se manifester au Transvaal comme une
sorte de protectorat d'Ugolin, qui devorerait son protege pour lui
conserver un protecteur.
Par malheur, ces arguments juridiques sont d'un poids insignifiant
dans les balances de la politique imperialiste, habituee a traiter
d'avocasserie et d'indigne chicane l'evocation des points de droit; on
l'a bien vu en Egypte dans l'affaire de la Dette. Il n'est pour elle
d'autre droit que celui qui est inscrit sur l'ecusson national:
son droit inspire par son Dieu, lui fait un devoir de plaider
alternativement le pour et le contre en Egypte, suivant le sens des
interets, et de se presenter tantot comme l'adversaire du Sultan
et tantot comme son champion, selon qu'il s'agit de lui enlever
la Basse-Egypte ou de mettre soi-meme la main sur le
Bahr-el-Ghazal,--alternative d'une exploitation aussi remuneratrice que
celle dont fut victime, il y a cent ans, la colonie hollandaise du Cap.
Son droit, c'est d'oublier au Niger l'acte de Berlin, a Zanzibar le
traite de 1884. Son droit, c'est de ne compter que sur ses forces et, en
l'absence de toute gendarmerie internationale, de se faire justice--ou
injustice--soi-meme, "le Ciel n'ayant point etabli de tribunal a qui
les rois de France puissent en appeler", co
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