int en etat de supporter les
coups.
Un mot vulgarise depuis peu par l'expansion simultanee du _poker_ et
de l'Imperialisme exprime a merveille cette suggestion qu'un esprit
energique et concentre peut, presqu'a coup sur, faire subir aux ames
sans consistance, embarrassees de scrupules ou ralenties parle doute.
Dans l'un et l'autre de ces jeux d'origine anglo-saxonne, il arrive
frequemment qu'un joueur n'ayant point en main les cartes qui
conviendraient pour s'engager, sauve sa mise et ramasse le tapis en
payant d'audace par une surenchere dont la confiante serenite met en
deroute des adversaires auxquels la victoire appartiendrait, par la
force de leurs brelans ou de leurs quintes, s'ils osaient risquer le
coup. Cette audacieuse pratique exige autant d'observation que
de decision; il faut savoir choisir la victime et saisir au bond
l'opportunite; les personnes timorees et impressionnables offrent une
proie presque assuree, a condition que l'on attende pour leur porter le
_bluff_ le moment ou elles laissent paraitre des symptomes d'enervement
ou de demoralisation. C'est ainsi qu'on en a use envers la France a
Fachoda.
L'examen des artifices de la politique anglaise ne saurait entrer dans
le cadre de cette etude, a quoi elle se rattache cependant par des
liens etroits; mais je voudrais en esquisser les traits les plus
significatifs:
C'est, en premiere ligne, un art merveilleux de l'argent, avec lequel
elle se procure tout ce qui est objet de commerce, notamment l'opinion
publique, et qui lui permet d'intervenir dans les agitations de
l'ordre social, de l'ordre politique et meme, a l'occasion, de l'ordre
judiciaire.
La beaute de cet art apparait surtout en ceci que l'argent engage de la
sorte ne figure generalement que comme une avance dont le remboursement
est effectue par la victime de l'operation; c'est ainsi qu'en Egypte, il
a ete aventure a bon escient des sommes considerables au detriment de la
France qui n'a su ni s'associer, ni s'opposer; c'est ainsi que l'on fait
sortir du Tresor, en ce moment, 250 millions, en ayant soin d'informer
le contribuable anglais qu'ils y seront rapportes par le pays conquis,
c'est-a-dire par l'industrie miniere, grevee en consequence, sur le
dos des naifs actionnaires qui ont reclame a grands cris cette prise
d'armes. Cela s'appelle se payer sur la bete.
Le succes d'une longue suite d'entreprises de ce genre a constitue
pour l'Angleterre un credit qui met a sa disposition de
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