Etat. Hors du pouvoir, ses
projets apparaissent et disparaissent comme les averses d'avril.
Une, fois au pouvoir, son grand but est de mettre ses collegues dans
l'embarras. Si on l'avait laisse faire, nous aurions eu la guerre
avec la Russie, la France, les Etats-Unis et l'Allemagne... Dans ma
conviction, M. Chamberlain est le plus dangereux ministre imperial
qui ait jamais dirige le departement des Colonies. Si lord Salisbury
n'avait pas energiquement retenu M. Chamberlain, nos colonies en
arriveraient bientot a abhorrer le lien qui les attache a nous, et
l'avidite pour les annexions africaines nous aurait deja jetes dans
un conflit avec une ou plusieurs puissances europeennes."
Cette page prophetique marque une des escarmouches de la guerre de
broussailles qui se poursuit au jour le jour entre le lyrisme brutal de
Kipling, d'Austin et des pourvoyeurs de _music halls_, enroles avec eux
sous la banniere de l'Imperialisme, et l'humour acere du vieil esprit
critique anglais, dont le directeur du _Truth_ est le protagoniste le
plus brillant et le plus redoute.
Sa causticite ronge le foie des puritains d'Etat qui out engage
l'honneur de l'Angleterre dans une guerre effroyable, dont le principe
est ce qu'il appelle en argot de bourse un "slump in Kafftirs"--un coup
sur les Cafres,--et dont le but humanitaire est de secourir contre les
sataniques fermiers boers ces petits agneaux de financiers des mines
d'or, "les ilotes du Rand" comme les appelle sir Alfred Milner. Il est
vrai que cette qualification avait ete utilisee, trois ans auparavant
par M. Leonard, l'audacieux mais fugitif entrepreneur de la revolution
de Johannesburg, ce soulevement imprevu des miseres capitalistes, qui a
inspire a M. Cecil Rhodes devant la commission d'enquete parlementaire
ce mot d'une profondeur vertigineuse: "J'ai fourni des fonds pour la
revolution de Johannesburg, mais pas tous; ce n'est pas mon affaire de
dire qui a fourni le reste. C'etait, je le reconnais, une revolution
subventionnee, comme toutes les revolutions!"
Cet aveu du dictateur de l'Imperialisme sud-africain en dit plus
que tous les sarcasmes de ses adversaires sur une politique dont on
trouverait la cle dans une citation de l'economiste Nebenius: "La
guerre est le temps de moisson des capitalistes." ecrit-il dans ses
_Considerations sur la situation economique, de la Grande-Bretagne._
Voila sans doute pourquoi la sanglante expedition
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