ue chose de veritablement curieux, il est bien pres alors de
n'etre plus un hasard.
J'etais touche: je ne repliquai point et, pendant quelques minutes, je
regardai les maisons de la Capelette, comme si, pour la premiere fois,
je voyais des maisons. Il etait bien certain qu'elle ne croyait pas a
une rencontre fortuite et qu'elle se moquait de moi. D'ordinaire j'aime
peu qu'on me raille, mais je ne me sentis nullement depite de son
sourire; il etait si charmant ce sourire qui entr'ouvrait ses levres et
faisait cligner ses yeux!
D'ailleurs sa raillerie etait assez douce, et, puisqu'elle ne se
montrait pas autrement fachee de cette rencontre il me convenait qu'elle
crut que je l'avais arrangee: c'etait un aveu tacite de mon amour, et a
la facon dont elle accueillait cet aveu je pouvais croire qu'il n'avait
point deplu. Je continuai donc sur ce ton:
--Je comprends que ce hasard n'ait rien de curieux pour vous, mais pour
moi il en est tout autrement. En effet, il y a deux heures je me doutais
si peu que j'irais aujourd'hui a Cassis, que c'etait a peine si je
connaissais le nom de ce pays.
--Alors votre voyage est une inspiration; c'est une idee qui vous est
venue tout a coup... par hasard.
--Bien mieux que cela, mademoiselle, ce voyage a ete decide par une
suggestion, par une intervention etrangere, par une volonte superieure
a la mienne; aussi je dirais volontiers de notre rencontre comme les
Arabes: "C'etait ecrit", et vous savez que rien ne peut empecher ce qui
est ecrit?
--Ecrit sur la feuille de route de Francois, dit-elle en riant, mais qui
l'a fait ecrire?
--La destinee.
--Vraiment?
J'avais ete assez loin; maintenant il me fallait une raison ou tout au
moins un pretexte pour expliquer mon voyage.
--Il y a un fort a Cassis? dis-je.
--Oh! oh! un fort. Peut-etre sous Henri IV ou Louis XIII cela etait-il
un fort, mais aujourd'hui je ne sais trop de quel nom on doit appeler
cette ruine.
Une visite a ce fort etait le pretexte que j'avais voulu donner,
j'allais passer une journee avec un officier de mes amis en garnison
dans ce fort; mais cette reponse me deconcerta un moment. Heureusement
je me retournai assez vite, et avec moins de maladresse que je n'en mets
d'ordinaire a mentir:
--C'est precisement cette ruine qui a decide mon voyage. J'ai recu une
lettre d'un membre de la commission de la defense des cotes qui me
demande de lui faire un dessin de ce fort, en lui expliquant d'une facon
exac
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