il sans se
lever.
Devant une bastide aux volets verts, un cocher etait en train de charger
sur l'imperiale de la voiture une caisse de voyage.
Qui donc partait?
Au moment ou je me posais cette question, Clotilde parut sur le seuil du
jardin. Elle etait en toilette de ville et son chapeau etait cache par
un voile gris.
C'etait elle qui retournait a Cassis; cela etait certain.
Sans chercher a en savoir davantage, je tournai bride et revins grand
train a Marseille. En arrivant aux allees de Meilhan, je demandai a un
commissionnaire de m'indiquer le bureau des voitures de Cassis.
En moins de cinq minutes, je trouvai ce bureau: un facteur etait assis
sur un petit banc, je lui donnai mon cheval a tenir et j'entrai.
Ma voix tremblait quand je demandai si je pouvais avoir une place pour
Cassis.
--Coupe ou banquette?
Je restai un moment hesitant.
--Si M. le capitaine veut fumer, il ferait peut-etre bien de prendre une
place de banquette; il y aura une demoiselle dans le coupe.
Je n'hesitai plus.
--Je ne fume pas en voiture; inscrivez-moi pour le coupe.
--A quatre heures precises; nous n'attendrons pas.
Il etait trois heures; j'avais une heure devant moi.
V
Depuis que j'avais apercu Clotilde se preparant a monter en voiture
jusqu'au moment ou j'avais arrete ma place pour Cassis, j'avais agi sous
la pression d'une force impulsive qui ne me laissait pas, pour ainsi
dire, la libre disposition de ma volonte. Je trouvais une occasion
inesperee de la voir, je saisissais cette occasion sans penser a rien
autre chose; cela etait instinctif et machinal, exactement comme le saut
du carnassier qui s'elance sur sa proie. J'allais la voir!
Mais en sortant du bureau de la voiture et en revenant chez moi, je
compris combien mon idee etait folle.
Que resulterait-il de ce voyage en tete-a-tete dans le coupe de cette
diligence?
Ce n'etait point en quelques heures que je la persuaderais de la
sincerite de mon amour pour elle. Et d'ailleurs oserais-je lui parler de
mon amour, ne la veille, dans un tour de valse, et deja assez puissant
pour me faire risquer une pareille entreprise? Me laisserait-elle
parler? Si elle m'ecoutait, ne me rirait-elle pas au nez? Ou bien plutot
ne me fermerait-elle pas la bouche au premier mot, indignee de mon
audace, blessee dans son honneur et dans sa purete de jeune fille? Car
enfin c'etait une jeune fille, et non une femme aupres de laquelle on
pouvait compter sur les ha
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