aisonnements de la nuit. Aussitot habille, je me decidai a aller a la
mairie, ou je demandai M. Lieutaud. On me repondit qu'il n'arrivait pas
de si bonne heure et qu'il etait encore chez lui. C'etait ce que j'avais
prevu. Je me montrai presse de le voir et je me fis donner son adresse;
il demeurait a une lieue de la ville, sur la route de la Rose,--la
bastide etait facile a trouver, au coin d'un chemin conduisant a
Saint-Joseph.
Vers deux heures, je montai a cheval et m'allai promener sur la route
de la Rose. Qui sait? Je pourrais peut-etre apercevoir Clotilde dans le
jardin de son cousin. Je ne lui parlerais pas; je la verrais seulement;
a la lumiere du jour elle n'etait peut-etre pas d'une beaute aussi
resplendissante qu'a la clarte des bougies; le teint mat ne gagne pas a
etre eclaire par le soleil; et puis n'etant plus en toilette de bal
elle serait peut-etre tres-ordinaire. Ah! que le coeur est habile a se
tromper lui-meme et a se faire d'hypocrites concessions! Ce n'etait pas
pour trouver Clotilde moins seduisante, ce n'etait pas pour l'aimer
moins et decouvrir en elle quelque chose qui refroidit mon amour, que je
cherchais a la revoir.
Il faisait une de ces journees de chaleur etouffante qui sont assez
ordinaires sur le littoral de la Provence; on rotissait au soleil, et,
si les arbres et les vignes n'avaient point ete couverts d'une couche de
poussiere blanche, ils auraient montre un feuillage roussi comme apres
un incendie. Mais cette poussiere les avait enfarines, du meme qu'elle
avait blanchi les toits des maisons, les chaperons des murs, les appuis,
les corniches des fenetres, et partout, dans les champs brules, dans les
villages desseches, le long des collines avides et pierreuses, on ne
voyait qu'une teinte blanche qui, reflechissant les rayons flamboyants
du soleil, eblouissait les yeux.
Un Parisien, si amoureux qu'il eut ete, eut sans doute renonce a cette
promenade; mais il n'y avait pas la de quoi arreter un Africain comme
moi. Je mis mon cheval au trot, et je soulevai des tourbillons de
poussiere, qui allerent epaissir un peu plus la couche que quatre
mois de secheresse avait amassee, jour par jour, minute par minute,
continuellement.
Les passants etaient rares sur la route; cependant, ayant apercu un
gamin etale tout de son long sur le ventre a l'ombre d'un mur, j'allai a
lui pour lui demander ou se trouvait la bastide de M. Lieutaud.
--C'est celle devant laquelle un fiacre est arrete, dit-
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