en moi.
--Faites-les naitre tout de suite, alors, et ecoutez mes propositions
qui sont serieuses, je vous en donne ma parole, et inspirees par une
vive estime, une sincere amitie pour vous.
--Encore une fois merci, mais je ne puis accepter. Qu'on se marie
parce qu'un amour tout-puissant a surgi dans votre coeur, cela je le
comprends, c'est une fatalite qu'on subit; on epouse parce que l'on aime
et que c'est le seul moyen d'obtenir celle qui tient votre vie entre ses
mains. Mais qu'on se decide et qu'on s'engage a se marier, en se disant
que l'amour viendra plus tard, cela je ne le comprends pas. On aime, on
appartient a celle que l'on aime; on n'aime pas, on s'appartient. C'est
la mon cas et je ne veux pas aliener ma liberte; si je le fais un jour,
c'est qu'il me sera impossible de m'echapper. En un mot, montrez-moi
celle que vous avez la bonte de me destiner, que j'en devienne amoureux
a en perdre la raison et je me marie; jusque-la ne me parlez jamais
mariage, c'est exactement comme si vous me disiez: "Frere, il faut
mourir." Je le sais bien qu'il faut mourir, mais je n'aime pas a me
l'entendre dire et encore moins a le croire.
L'entretien en resta la, et Marius Bedarrides s'en alla en secouent la
tete.
--Je ne sais pas si vous devez mourir, dit-il en me serrant la main,
mais je crois que vous commencez a etre malade; si vous le permettez, je
viendrai prendre de vos nouvelles.
--Ne vous derangez pas trop souvent, cher ami, la maladie n'est pas
dangereuse.
Nous nous separames en riant, mais pour moi, je riais des levres
seulement, car, dans ce que je venais d'entendre, il y avait un fond de
verite que je ne pouvais pas me cacher a moi-meme, et qui n'etait rien
moins que rassurant. Oui, ce serait folie d'aimer Clotilde et, comme
le disait Marius Bedarrides, ce serait s'engager dans une impasse. Ou
pouvait me conduire cet amour?
Pendant toute la nuit, j'examinai cette question, et, chaque fois que
j'arrivai a une conclusion, ce fut toujours a la meme: je ne devais plus
penser a cette jeune fille, je n'y penserais plus. Apres tout, cela ne
devait etre ni difficile ni penible, puisque je la connaissais a peine;
il n'y avait pas entre nous de liens solidement noues et je n'avais
assurement qu'a vouloir ne plus penser a elle pour l'oublier. Ce serait
une etoile filante qui aurait passe devant mes yeux,--le souvenir d'un
eblouissement.
Mais les resolutions du matin ne sont pas toujours determinees par les
r
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