On rit des annonces de celui qui a fait sanctionner le courtage
matrimonial et qui en a ete "l'initiateur et le propagateur;" le monde
cependant est plein de courtiers de ce genre qui font ce metier
pour rien, pour le plaisir. Ayez mal a une dent, tous ceux que vous
rencontrerez vous proposeront un remede excellent; soyez garcon, tous
ceux qui vous connaissent vous proposeront une femme parfaite.
Ce fut la a peu pres la reponse que je fis a Marius Bedarrides, au moins
pour le fond; car pour la forme, je tachai de l'adoucir et de la rendre
a peu pres polie. Les intentions de ce brave garcon etaient excellentes,
et ce n'etait pas sa faute si la manie matrimoniale etait chez lui
hereditaire.
--Je dois avouer, me dit-il d'un air legerement depite, que je ne sais
comment concilier la repulsion que vous temoignez pour le mariage avec
l'enthousiasme que vous ressentez pour mademoiselle Martory, car enfin
vous ne comptez pas, n'est-ce pas, faire de cette jeune fille votre....
--Ne prononcez pas le mot qui est sur vos levres, je vous prie; il me
blesserait. J'ai vu chez vous une jeune fille qui m'a paru admirable;
j'ai desire savoir qui elle etait; voila tout. Je n'ai pas ete plus loin
que ce simple desir, qui est bien innocent et en tous cas bien naturel.
Mon enthousiasme est celui d'un artiste qui voit une oeuvre splendide et
qui s'inquiete de son origine.
--Parfaitement. Mais enfin il n'en est pas moins vrai que la rencontre
de mademoiselle Martory peut etre pour vous la source de grands
tourments.
--Et comment cela, je vous prie?
--Mais parce que si vous l'aimez, vous vous trouvez dans une situation
sans issue.
--Je n'aime pas mademoiselle Martory!
--Aujourd'hui; mais demain? Si vous l'aimez demain, que ferez-vous? D'un
cote, vous avez horreur du mariage; d'un autre, vous n'admettez pas la
realisation de la chose a laquelle vous n'avez pas voulu que je donne de
nom tout a l'heure. C'est la une situation qui me parait delicate. Vous
aimez, vous n'epousez pas, et vous ne vous faites pas aimer. Alors,
que devenez-vous? un amant platonique. A la longue, cet etat doit etre
fatigant. Voila pourquoi je vous repete: ne pensez pas a mademoiselle
Martory.
--Je vous remercie du conseil, mais je vous engage a etre sans
inquietude sur mon avenir. Il est vrai que j'ai peu de dispositions pour
le mariage; cependant, si j'aimais mademoiselle Clotilde, il ne serait
pas impossible que ces dispositions prissent naissance
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