jeu. Il me fallut le trouver; il me fallut ensuite le detacher de sa
partie, ce qui fut long et difficile, car il avait la veine, et nous
revinmes dans la tente juste au moment ou la jeune fille sortait.
--Je ne la connais pas, me dit Bedarrides, mais la dame qu'elle
accompagne est, il me semble, la femme d'un employe de la mairie. C'est
une invitation de mon beau-frere. Par lui nous en saurons plus demain;
mais il vous faut attendre jusqu'a demain, car nous ne pouvons pas
decemment, ce soir, aller interroger un jeune marie; il a autre chose a
faire qu'a nous repondre. Vous lui parleriez de votre jeune fille,
que, s'il vous repondait, il vous parlerait de ma soeur; ca ferait
un quiproquo impossible a debrouiller. Attendez donc a demain soir;
j'espere qu'il me sera possible de vous satisfaire; comptez sur moi.
Il fallut s'en tenir a cela; c'etait peu; mais enfin c'etait quelque
chose.
III
Je quittai le bal; je n'avais rien a y faire, puisqu'elle n'etait plus
la.
Je m'en revins a pied a Marseille, bien que la distance soit assez
grande. J'avais besoin de marcher, de respirer. J'etouffais. La nuit
etait splendide, douce et lumineuse, sans un souffle d'air qui fit
resonner le feuillage des grands roseaux immobiles et raides sur le bord
des canaux d'irrigation. De temps en temps, suivant les accidents du
terrain et les echappees de vue, j'apercevais au loin la mer qui, comme
un immense miroir argente, reflechissait la lune.
Je marchais vite; je m'arretais; je me remettais en route machinalement,
sans trop savoir ce que je faisais. Je n'etais pas cependant insensible
a ce qui se passait autour de moi, et en ecrivant ces lignes, il me
semble respirer encore l'apre parfum qui s'exhalait des pinedes que je
traversais. Les ombres que les arbres projetaient sur la route blanche
me paraissaient avoir quelque chose de fantastique qui me troublait;
l'air qui m'enveloppait me semblait habite, et des plantes, des arbres,
des blocs de rochers sortaient des voix etranges qui me parlaient un
langage mysterieux. Une pomme de pin qui se detacha d'une branche
et tomba sur le sol, me souleva comme si j'avais recu une decharge
electrique.
Que se passait-il donc en moi? Je tachai de m'interroger. Est-ce que
j'aimais cette jeune fille que je ne connaissais pas, et que je ne
devais peut-etre revoir jamais?
Quelle folie! c'etait impossible.
Mais alors pourquoi cette inquietude vague, ce trouble, cette emotion,
cette chaleu
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