esert et
couchant souvent sur la terre nue; c'est pour te parler de moi et d'un
fait qui pourrait bien avoir une influence decisive sur ma vie.
Hier j'etais invite a la soiree donnee a l'occasion d'un mariage, le
mariage de mademoiselle Bedarrides, la fille du riche armateur, avec le
fils du maire de la ville. Bien que la villa Bedarrides soit une
des plus belles et des plus somptueuses (c'est elle qui montre
orgueilleusement ses 42,000 francs de ciment et son parquet de 20,000),
on avait eleve dans le jardin une vaste tente sous laquelle on devait
danser. Cette construction avait ete commandee par le nombre des invites
qui etait considerable. Il se composait d'abord de tout ce qui a un nom
dans le commerce marseillais, l'industrie et les affaires, c'etait la
le cote de la jeune femme et de sa famille, puis ensuite il comprenait
ainsi tout ce qui est en relations avec la municipalite--cote du mari.
En realite, c'etait le _tout-Marseille_ beaucoup plus complet que ce
qu'on est convenu d'appeler le _tout-Paris_ dans les journaux. Il
y avait la des banquiers, des armateurs, des negociants, des hauts
fonctionnaires, des Italiens, des Espagnols, des Grecs, des Turcs, des
Egyptiens meles a de petits employes et a des boutiquiers, dans une
confusion curieuse.
Retenu par le general qui avait voulu que je vinsse avec lui, je
n'arrivai que tres-tard. Le bal etait dans tout son eclat, et le coup
d'oeil etait splendide: la tente etait ornee de fleurs et d'arbustes
au feuillage tropical et elle ouvrait ses bas cotes sur la mer qu'on
apercevait dans le lointain miroitant sous la lumiere argentee de la
lune. C'etait feerique avec quelque chose d'oriental qui parlait a
l'imagination.
Mais je fus bien vite ramene a la realite par l'oncle de la mariee, M.
Bedarrides jeune, qui voulut bien me faire l'honneur de me prendre par
le bras, pour me promener avec lui.
--Regardez, regardez, me dit-il, vous avez devant vous toute la fortune
de Marseille, et si nous etions encore au temps ou les corsaires
barbaresques faisaient des descentes sur nos cotes, ils pourraient
operer ici une razzia generale qui leur payerait facilement un milliard
pour se racheter.
Je parvins a me soustraire a ces plaisanteries financieres et j'allai me
mettre dans un coin pour regarder la fete a mon gre, sans avoir a subir
des reflexions plus ou moins spirituelles.
Qui sait? Parmi ces femmes qui passaient devant mes yeux se trouvait
peut-etre celle que je
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