upides. Je me levais tot; et une de mes plus cheres voluptes
etait de me promener seul, vers huit heures du matin, dans la pepiniere
du Luxembourg.
Vous ne l'avez pas connue, vous autres, cette pepiniere? C'etait comme
un jardin oublie de l'autre siecle, un jardin joli comme un doux
sourire de vieille. Des haies touffues separaient les allees etroites et
regulieres, allees calmes entre deux murs de feuillage tailles avec
methode. Les grands ciseaux du jardinier alignaient sans relache ces
cloisons de branches; et, de place en place, on rencontrait des
parterres de fleurs, des plates-bandes de petits arbres ranges comme des
collegiens en promenade, des societes de rosiers magnifiques ou des
regiments d'arbres a fruits.
Tout un coin de ce ravissant bosquet etait habite par les abeilles.
Leurs maisons de paille, savamment espacees sur les planches, ouvraient
au soleil leurs portes grandes comme l'entree d'un de a coudre; et on
rencontrait tout le long des chemins les mouches bourdonnantes et
dorees, vraies maitresses de ce lieu pacifique, vraies promeneuses de
ces tranquilles allees en corridors.
Je venais la presque tous les matins. Je m'asseyais sur un banc et je
lisais. Parfois je laissais retomber le livre sur mes genoux pour rever,
pour ecouter autour de moi vivre Paris, et jouir du repos infini de ces
charmilles a la mode ancienne.
Mais je m'apercus bientot que je n'etais pas seul a frequenter ce lieu
des l'ouverture des barrieres, et je rencontrais parfois, nez a nez, au
coin d'un massif, un etrange petit vieillard.
Il portait des souliers a boucles d'argent, une culotte a pont, une
redingote tabac d'Espagne, une dentelle en guise de cravate et un
invraisemblable chapeau gris a grands bords et a grands poils, qui
faisait penser au deluge.
Il etait maigre, fort maigre, anguleux, grimacant et souriant. Ses yeux
vifs palpitaient, s'agitaient sous un mouvement continu des paupieres;
et il avait toujours a la main une superbe canne a pommeau d'or qui
devait etre pour lui quelque souvenir magnifique.
Ce bonhomme m'etonna d'abord, puis m'interessa outre mesure. Et je le
guettais a travers les murs de feuilles, je le suivais de loin,
m'arretant au detour des bosquets pour n'etre point vu.
Et voila qu'un matin, comme il se croyait bien seul, il se mit a faire
des mouvements singuliers: quelques petits bonds d'abord, puis une
reverence; puis il battit, de sa jambe grele, un entrechat encore
alerte, puis il c
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