Elle n'avait encore rien accorde cependant. Le baron se ruinait pour
elle. C'etaient sans cesse des fetes, des chasses, des plaisirs nouveaux
auxquels il invitait la noblesse des chateaux environnants.
Tout le jour les chiens courants hurlaient par les bois a la suite du
renard et du sanglier, et, chaque soir, d'eblouissants feux d'artifice
allaient meler aux etoiles leurs panaches de feu, tandis que les
fenetres illuminees du salon jetaient sur les vastes pelouses des
trainees de lumiere ou passaient des ombres.
C'etait l'automne, la saison rousse. Les feuilles voltigeaient sur les
gazons comme des voilees d'oiseaux. On sentait trainer dans l'air des
odeurs de terre humide, de terre devetue, comme on sent une odeur de
chair nue, quand tombe, apres le bal, la robe d'une femme.
Un soir, dans une fete, au dernier printemps, Mme d'Avancelles avait
repondu a M. de Croissard qui la harcelait de ses prieres: "Si je dois
tomber, mon ami, ce ne sera pas avant la chute des feuilles. J'ai trop
de choses a faire cet ete pour avoir le temps." Il s'etait souvenu de
cette parole rieuse et hardie; et, chaque jour, il insistait davantage,
chaque jour il avancait ses approches, il gagnait un pas dans le coeur
de la belle audacieuse qui ne resistait plus, semblait-il, que pour la
forme.
Une grande chasse allait avoir lieu. Et, la veille, Mme Berthe avait
dit, en riant, au baron: "Baron, si vous tuez la bete, j'aurai quelque
chose pour vous."
Des l'aurore, il fut debout pour reconnaitre ou le solitaire s'etait
bauge. Il accompagna ses piqueurs, disposa les relais, organisa tout
lui-meme pour preparer son triomphe; et, quand les cors sonnerent le
depart, il apparut dans un etroit vetement de chasse rouge et or, les
reins serres, le buste large, l'oeil radieux, frais et fort comme s'il
venait de sortir du lit.
Les chasseurs partirent. Le sanglier debusque fila, suivi des chiens
hurleurs, a travers des broussailles; et les chevaux se mirent a
galoper, emportant par les etroits sentiers des bois les amazones et les
cavaliers, tandis que, sur les chemins amollis, roulaient sans bruit les
voitures qui accompagnaient de loin la chasse.
Mme d'Avancelles, par malice, retint le baron pres d'elle, s'attardant,
au pas, dans une grande avenue interminablement droite et longue et sur
laquelle quatre rangs de chenes se repliaient comme une voute.
Fremissant d'amour et d'inquietude, il ecoutait d'une oreille le
bavardage moqueur de la je
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