et examine avec une vive curiosite
par ses vainqueurs qui soufflaient comme des baleines. Plusieurs
s'assirent, n'en pouvant plus d'emotion et de fatigue.
Il souriait, lui, il souriait maintenant, sur d'etre enfin prisonnier!
Un autre officier entra et prononca:
--Mon colonel, les ennemis se sont enfuis; plusieurs semblent avoir ete
blesses. Nous restons maitres de la place.
Le gros militaire qui s'essuyait le front vocifera: "Victoire!"
Et il ecrivit sur un petit agenda de commerce tire de sa poche:
"Apres une lutte acharnee, les Prussiens ont du battre en retraite,
emportant leurs morts et leurs blesses, qu'on evalue a cinquante hommes
hors de combat. Plusieurs sont restes entre nos mains."
Le jeune officier reprit:
--Quelles dispositions dois-je prendre, mon colonel?
Le colonel repondit:
--Nous allons nous replier pour eviter un retour offensif avec de
l'artillerie et des forces superieures.
Et il donna l'ordre de repartir.
La colonne se reforma dans l'ombre, sous les murs du chateau, et se mit
en mouvement, enveloppant de partout Walter Schnaffs garotte, tenu par
six guerriers le revolver au poing.
Des reconnaissances furent envoyees pour eclairer la route. On avancait
avec prudence, faisant halte de temps en temps.
Au jour levant, on arrivait a la sous-prefecture de La Roche-Oysel, dont
la garde nationale avait accompli ce fait d'armes.
La population anxieuse et surexcitee attendait. Quand on apercut le
casque du prisonnier, des clameurs formidables eclaterent. Les femmes
levaient les bras; des vieilles pleuraient; un aieul lanca sa bequille
au Prussien et blessa le nez d'un de ses gardiens.
Le colonel hurlait.
--Veillez a la surete du captif!
On parvint enfin a la maison de ville. La prison fut ouverte, et Walter
Schnaffs jete dedans, libre de liens.
Deux cents hommes en armes monterent la garde autour du batiment.
Alors, malgre des symptomes d'indigestion qui le tourmentaient depuis
quelque temps, le Prussien, fou de joie, se mit a danser, a danser
eperdument, en levant les bras et les jambes, a danser en poussant des
rires frenetiques, jusqu'au moment ou il tomba, epuise au pied d'un mur.
Il etait prisonnier! Sauve!
* * * * *
C'est ainsi que le chateau de Champignet fut repris a l'ennemi apres six
heures seulement d'occupation.
Le colonel Ratier, marchand de drap, qui enleva cette affaire a la tete
des gardes nationaux de La Roc
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