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des murs, des corps humains sautant du premier etage.
Puis tout mouvement, toute agitation cesserent, et le grand chateau
devint silencieux comme un tombeau.
Walter Schnaffs s'assit devant une assiette restee intacte, et il se mit
a manger. Il mangeait par grandes bouchees comme s'il eut craint d'etre
interrompu trop tot, de n'en pouvoir engloutir assez. Il jetait a deux
mains les morceaux dans sa bouche ouverte comme une trappe; et des
paquets de nourriture lui descendaient coup sur coup dans l'estomac,
gonflant sa gorge en passant. Parfois, il s'interrompait, pret a crever
a la facon d'un tuyau trop plein. Il prenait alors la cruche au cidre et
se deblayait l'oesophage comme on lave un conduit bouche.
Il vida toutes les assiettes, tous les plats et toutes les bouteilles;
puis, saoul de liquide et de mangeaille, abruti, rouge, secoue par des
hoquets, l'esprit trouble et la bouche grasse, il deboutonna son
uniforme pour souffler, incapable d'ailleurs de faire un pas. Ses yeux
se fermaient, ses idees s'engourdissaient; il posa son front pesant dans
ses bras croises sur la table, et il perdit doucement la notion des
choses et des faits.
* * * * *
Le dernier croissant eclairait vaguement l'horizon au-dessus des arbres
du parc. C'etait l'heure froide qui precede le jour.
Des ombres glissaient dans les fourres, nombreuses et muettes; et
parfois, un rayon de lune faisait reluire dans l'ombre une pointe
d'acier.
Le chateau tranquille dressait sa grande silhouette noire. Deux fenetres
seules brillaient encore au rez-de-chaussee.
Soudain, une voix tonnante hurla:
--En avant! nom d'un nom! a l'assaut! mes enfants!
Alors, en un instant, les portes, les contrevents et les vitres
s'enfoncerent sous un flot d'hommes qui s'elanca, brisa, creva tout,
envahit la maison. En un instant cinquante soldats armes jusqu'aux
cheveux, bondirent dans la cuisine ou reposait pacifiquement Walter
Schnaffs, et lui posant sur la poitrine cinquante fusils charges, le
culbuterent, le roulerent, le saisirent, le lierent des pieds a la tete.
Il haletait d'ahurissement, trop abruti pour comprendre, battu, crosse
et fou de peur.
Et tout d'un coup, un gros militaire chamarre d'or lui planta son pied
sur le ventre en vociferant:
--Vous etes mon prisonnier, rendez-vous!
Le Prussien n'entendit que ce seul mot "prisonnier", et il gemit: "_ya,
ya, ya_".
Il fut releve, ficele sur une chaise,
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