FREE BOOKS

Author's List




PREV.   NEXT  
|<   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92   93   >>  
et l'oeil sournois, dans une fausse colere de bon vivant: "Faudra que j'en mange, nom de Dieu!" Il comptait bien que les Prussiens ne viendraient pas jusqu'a Tanneville; mais lorsqu'il apprit qu'ils etaient a Rautot, il ne sortit plus de sa maison, et il guettait sans cesse la route par la petite fenetre de sa cuisine, s'attendant a tout moment a voir passer des baionnettes. Un matin, comme il mangeait la soupe avec ses serviteurs, la porte s'ouvrit, et le maire de la commune, maitre Chicot, parut suivi d'un soldat coiffe d'un casque noir a pointe de cuivre. Saint-Antoine se dressa d'un bond; et tout son monde le regardait, s'attendant a le voir echarper le Prussien; mais il se contenta de serrer la main du maire qui lui dit: "--En v'la un pour toi, Saint-Antoine. Ils sont venus c'te nuit. Fais pas de betise surtout, vu qu'ils parlent de fusiller et de bruler tout si seulement il arrive la moindre chose. Te v'la prevenu. Donne-li a manger, il a l'air d'un bon gars. Bonsoir, je vas chez l's'autres. Y en a pour tout le monde." Et il sortit. Le pere Antoine, devenu pale, regarda son Prussien. C'etait un gros garcon a la chair grasse et blanche, aux yeux bleus, au poil blond, barbu jusqu'aux pommettes, qui semblait idiot, timide et bon enfant. Le Normand malin le penetra tout de suite, et, rassure, lui fit signe de s'asseoir. Puis il lui demanda: "Voulez-vous de la soupe?" L'etranger ne comprit pas. Antoine alors eut un coup d'audace, et lui poussant sous le nez une assiette pleine: "--Tiens, avale ca, gros cochon." Le soldat repondit: "Ya" et se mit a manger goulument pendant que le fermier triomphant, sentant sa reputation reconquise, clignait de l'oeil a ses serviteurs qui grimacaient etrangement, ayant en meme temps grand'peur et envie de rire. Quand le Prussien eut englouti son assiettee, Saint-Antoine lui en servit une autre qu'il fit disparaitre egalement; mais il recula devant la troisieme, que le fermier voulait lui faire manger de force, en repetant: "Allons fous-toi ca dans le ventre. T'engraisseras ou tu diras pourquoi, va, mon cochon!" Et le soldat, comprenant seulement qu'on voulait le faire manger tout son saoul, riait d'un air content, en faisant signe qu'il etait plein. Alors Saint-Antoine devenu tout a fait familier lui tapa sur le ventre en criant: "--Y en a-t-il dans la bedaine a mon cochon!" Mais soudain il se tordit, rouge a tomber d'une attaque, ne pouvant plus parler. Une idee lui etait
PREV.   NEXT  
|<   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92   93   >>  



Top keywords:

Antoine

 
manger
 

Prussien

 
cochon
 

soldat

 

serviteurs

 
fermier
 

voulait

 

ventre

 

seulement


devenu

 
attendant
 

sortit

 

vivant

 

triomphant

 

Faudra

 

pendant

 
goulument
 

sentant

 

repondit


reconquise

 

clignait

 

grimacaient

 

etrangement

 

reputation

 
asseoir
 
demanda
 

Voulez

 
penetra
 

rassure


etranger
 

assiette

 

pleine

 

poussant

 
audace
 

comprit

 

familier

 

criant

 
content
 

faisant


bedaine

 
pouvant
 

parler

 

attaque

 

tomber

 
soudain
 

tordit

 
comprenant
 

devant

 

troisieme