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l'ombre indecise, l'ombre terne de la cour. Alors, il vit une forme, une forme d'homme assis sur son fumier! Il regardait cela perclus d'horreur et haletant. Mais, soudain, il apercut aupres de lui le manche de sa fourche piquee dans la terre; il l'arracha du sol; et, dans un de ces transports de peur qui rendent temeraires les plus laches, il se rua en avant, pour voir. C'etait lui, son Prussien, sorti fangeux de sa couche d'ordure qui l'avait rechauffe, ranime. Il s'etait assis machinalement, et il restait la, sous la neige qui le poudrait, souille de saletes et de sang, encore hebete par l'ivresse, etourdi par le coup, epuise par sa blessure. Il apercut Antoine, et, trop abruti pour rien comprendre, il fit un mouvement afin de se lever. Mais le vieux, des qu'il l'eut reconnu, ecuma ainsi qu'une bete enragee. Il bredouillait: "--Ah! cochon! cochon! t'es pas mort! Tu vas me denoncer, a c't'heure... Attends... attends!" Et, s'elancant sur l'Allemand, il jeta en avant de toute la vigueur de ses deux bras sa fourche levee comme une lance, et il lui enfonca jusqu'au manche les quatre pointes de fer dans la poitrine. Le soldat se renversa sur le dos en poussant un long soupir de mort, tandis que le vieux paysan, retirant son arme des plaies, la replongeait coup sur coup dans le ventre, dans l'estomac, dans la gorge, frappant comme un forcene, trouant de la tete aux pieds le corps palpitant dont le sang fuyait par gros bouillons. Puis il s'arreta, essouffle de la violence de sa besogne, aspirant l'air a grandes gorgees, apaise par le meurtre accompli. Alors, comme les coqs chantaient dans les poulaillers et comme le jour allait poindre, il se mit a l'oeuvre pour ensevelir l'homme. Il creusa un trou dans le fumier, trouva la terre, fouilla plus bas encore, travaillant d'une facon desordonnee dans un emportement de force avec des mouvements furieux des bras et de tout le corps. Lorsque la tranchee fut assez creuse, il roula le cadavre dedans, avec la fourche, rejeta la terre dessus, la pietina longtemps, remit en place le fumier, et il sourit en voyant la neige epaisse qui completait sa besogne, et couvrait les traces de son voile blanc. Puis il repiqua sa fourche sur le tas d'ordure et rentra chez lui. Sa bouteille encore a moitie pleine d'eau-de-vie etait restee sur une table. Il la vida d'une haleine, se jeta sur son lit, et s'endormit profondement. Il se reveilla degrise, l'esprit calme et dispo
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