prit la parole:
--C'est not' fille Adelaide que j'viens vous proposer pour servante, vu
c'qu'a dit cu matin monsieur le cure."
Maitre Omont considera la fille, puis, brusquement: "Quel age qu'elle a,
c'te grande bique-la?"
"--Vingt-un ans a la Saint-Michel, monsieur Omont."
"--C'est bien; all'aura quinze francs par mois et l'fricot. J'l'attends
d'main, pour faire ma soupe du matin."
Et il congedia les deux femmes.
Adelaide entra en fonctions le lendemain et se mit a travailler dur,
sans dire un mot, comme elle faisait chez ses parents.
Vers neuf heures, comme elle nettoyait les carreaux de la cuisine,
monsieur Omont la hela.
"--Adelaide!"
Elle accourut. "Me v'la, not' maitre."
Des qu'elle fut en face de lui, les mains rouges et abandonnees, l'oeil
trouble, il declara: "Ecoute un peu, qu'il n'y ait pas d'erreur entre
nous. T'es ma servante, mais rien de plus. T'entends. Nous ne melerons
point nos sabots.
--Oui, not' maitre.
--Chacun sa place, ma fille, t'as ta cuisine; j'ai ma salle. A part ca,
tout sera pour te comme pour me. C'est convenu?
--Oui, not' maitre.
--Allons, c'est bien, va a ton ouvrage.
Et elle alla reprendre sa besogne.
A midi elle servit le diner du maitre dans sa petite salle a papier
peint, puis, quand la soupe fut sur la table, elle alla prevenir M.
Omont.
"--C'est servi, not' maitre."
Il entra, s'assit, regarda autour de lui, deplia sa serviette, hesita
une seconde, puis, d'une voix de tonnerre:
"--Adelaide!"
Elle arriva, effaree. Il cria comme s'il allait la massacrer. "Eh bien,
nom de D... et te, ousqu'est ta place?"
"--Mais... not' maitre..."
Il hurlait: "J'aime pas manger tout seul, nom de D...; tu vas te mett'
la ou bien foutre le camp si tu n'veux pas. Va chercher t'nassiette et
ton verre."
Epouvantee, elle apporta son couvert en balbutiant: "Me v'la, not'
maitre."
Et elle s'assit en face de lui.
Alors il devint jovial; il trinquait, tapait sur la table, racontait des
histoires qu'elle ecoutait les yeux baisses, sans oser prononcer un mot.
De temps en temps elle se levait pour aller chercher du pain, du cidre,
des assiettes.
En apportant le cafe, elle ne deposa qu'une tasse devant lui; alors,
repris de colere, il grogna:
--Eh bien, et pour te?
--J'n'en prends point, not' maitre.
--Pourquoi que tu n'en prends point?
--Parce que je l'aime point.
Alors il eclata de nouveau: "J'aime pas prend' mon cafe tout seul, nom
de D
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