gamine, tandis que son mari attendait
patiemment dans sa frele voiture.
Elle revint encore, fit connaissance avec les parents, reparut tous les
jours, les poches pleines de friandises et de sous.
Elle s'appelait Mme Henri d'Hubieres.
Un matin, en arrivant, son mari descendit avec elle; et, sans s'arreter
aux mioches, qui la connaissaient bien maintenant, elle penetra dans la
demeure des paysans.
Ils etaient la, en train de fendre du bois pour la soupe; ils se
redresserent tout surpris, donnerent des chaises et attendirent. Alors
la jeune femme, d'une voix entrecoupee, tremblante, commenca:
--Mes braves gens, je viens vous trouver parce que je voudrais bien...
je voudrais bien emmener avec moi votre... votre petit garcon...
Les campagnards, stupefaits et sans idee, ne repondirent pas.
Elle reprit haleine et continua.
--Nous n'avons pas d'enfants; nous sommes seuls, mon mari et moi... Nous
le garderions... voulez-vous?
La paysanne commencait a comprendre. Elle demanda:
--Vous voulez nous prend'e Charlot? Ah ben non, pour sur.
Alors M. d'Hubieres intervint:
--Ma femme s'est mal expliquee. Nous voulons l'adopter, mais il
reviendra vous voir. S'il tourne bien, comme tout porte a le croire, il
sera notre heritier. Si nous avions, par hasard, des enfants, il
partagerait egalement avec eux. Mais, s'il ne repondait pas a nos soins,
nous lui donnerions, a sa majorite, une somme de vingt mille francs, qui
sera immediatement deposee en son nom chez un notaire. Et, comme on a
aussi pense a vous, on vous servira jusqu'a votre mort une rente de cent
francs par mois. Avez-vous bien compris?
La fermiere s'etait levee, toute furieuse.
--Vous voulez que j'vous vendions Charlot? Ah! mais non; c'est pas des
choses qu'on d'mande a une mere, ca! Ah! mais non! Ce s'rait une
abomination.
L'homme ne disait rien, grave et reflechi; mais il approuvait sa femme
d'un mouvement continu de la tete.
Mme d'Hubieres, eperdue, se mit a pleurer, et, se tournant vers son
mari, avec une voix pleine de sanglots, une voix d'enfant dont tous les
desirs ordinaires sont satisfaits, elle balbutia:
--Ils ne veulent pas, Henri, ils ne veulent pas!
Alors, ils firent une derniere tentative.
--Mais, mes amis, songez a l'avenir de votre enfant, a son bonheur, a...
La paysanne, exasperee, lui coupa la parole:
--C'est tout vu, c'est tout entendu, c'est tout reflechi...
Allez-vous-en, et pi, que j'vous revoie point par ici. C'
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