tant mes bijoux a la tete; mais le
present de Jacques ira chez le fondeur, et ne servira pas de trophee a
quelque impertinent. J'ai seulement raconte que j'avais entendu jouer
du hautbois, que j'avais appele, croyant m'adresser a Jacques, et que
j'avais vu fuir un homme qui m'avait semble a peu pres de sa taille et
vetu comme lui. Alors nous nous sommes rappele l'aventure de ma frayeur
dans le grand salon d'ete; Jacques a persiste a nier qu'il y fut entre
et qu'il se fut diverti a nous ecouter. Dans le doute, je n'ai jamais
ose parler du baiser que nous avions recu, Sylvia et moi; pour elle,
elle est si distraite et si peu susceptible de s'etonner ou de
s'epouvanter de quelque chose, que je gagerais qu'elle ne s'en souvient
plus; le fait est qu'elle n'en a rien dit ni a Jacques ni a moi, et que
je ne sais que penser de cette singuliere et facheuse aventure. Pour le
bracelet, ce n'est certainement pas Jacques qui l'a ramasse; pour le
baiser, j'en doute, car il assure tres-serieusement n'etre pas sorti du
parc dans ce moment-la. Il est vrai qu'il plaisante quelquefois avec un
sang-froid imperturbable, et qu'il s'amuse peut-etre en lui-meme de ma
honte et de mon incertitude.
En attendant que nous sachions ce que signifient ces mauvaises
plaisanteries de notre follet, je veux te parler de l'eternelle affaire
de la naissance de Sylvia. Est-ce que tu penses qu'elle serait la soeur
de Jacques? Je le pense aussi parfois, mais cette idee m'attriste.
Pourquoi alors Jacques m'en fait-il un mystere? Me juge-t-il incapable
de garder un secret? Si elle est sa soeur, j'en suis plus jalouse que si
elle ne l'etait pas; car je gage alors qu'il l'aime plus que moi. Tu
te trompes bien, Clemence, si tu crois que je suis capable de cette
grossiere jalousie qui consisterait a craindre de la part de mon
mari une infidelite des sens; ce que je surveille avec envie, ce que
j'interroge avec angoisse, c'est son coeur, son noble coeur, ce tresor
si precieux, que l'univers devrait me le disputer, et que je n'ose me
flatter d'etre digne de le posseder a moi seule tout entier. Sylvia est
bien plus raisonnable, bien plus courageuse, bien plus instruite que
moi; son age, son education et son caractere la rapprochent de Jacques,
et doivent etablir entre eux une confiance bien mieux fondee. Moi je
suis une enfant qui ne sait rien et qui ne comprend guere. Pour les arts
et les petites sciences que Sylvia me demontre, il me semble que je ne
manque pas d'in
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