er de trop grossir cette liste fatale, ou les
grands noms qui y figurent ne peuvent servir d'excuse qu'a eux-memes.
"L'histoire litteraire est une mer sans rivage," avait coutume de dire
M. Daunou, qui en parlait en vieux nocher; elle a par consequent ses
ecueils, ses ennuis. Mais il faut vite ajouter qu'au milieu meme des
soins infinis et minutieux qu'elle suppose, elle porte avec elle sa
douceur et sa recompense.
Septembre 1843.
BOILEAU[1]
[Note 1: Cet article fut le premier du premier numero de la _Revue
de Paris_ qui naissait (avril 1829); il parut sous la rubrique assez
legere de _Litterature ancienne_, que le spirituel directeur (M. Veron)
avait pris sur lui d'ajouter. Grand scandale dans un certain camp! Quoi?
ces modeles toujours presents, venir les ranger parmi les _anciens_!
Quinze ans apres, M. Cousin, a propos de Pascal, posait en principe, au
sein de l'Academie, qu'il etait temps de traiter les auteurs du siecle
de Louis XIV comme des _anciens_; et l'Academie applaudissait.--Il est
vrai que dans ce second temps et depuis qu'on est entre methodiquement
dans cette voie, on s'est mis a appliquer aux oeuvres du XVIIe siecle
tous les procedes de la critique comme l'entendaient les anciens
grammairiens. On s'est attache a fixer le texte de chaque auteur; on en
a dresse des lexiques. Je ne blame pas ces soins; bien loin de la, je
les honore, et j'en profite; le moment en etait venu sans doute; mais
l'opiniatrete du labeur, chez ceux qui s'y livrent, remplace trop
souvent la vivacite de l'impression litteraire, et tient lieu du gout.
On creuse, on pioche a fond chaque coin et recoin du XVIIe siecle.
Est-on arrive, pour cela, a le sentir, a le gouter avec plus de justesse
ou de delicatesse qu'auparavant?]
Depuis plus d'un siecle que Boileau est mort, de longues et continuelles
querelles se sont elevees a son sujet. Tandis que la posterite
acceptait, avec des acclamations unanimes, la gloire des Corneille,
des Moliere, des Racine, des La Fontaine, on discutait sans cesse, on
revisait avec une singuliere rigueur les titres de Boileau au genie
poetique; et il n'a guere tenu a Fontenelle, a d'Alembert, a Helvetius,
a Condillac, a Marmontel, et par instants a Voltaire lui-meme, que cette
grande renommee classique ne fut entamee. On sait le motif de presque
toutes les hostilites et les antipathies d'alors: c'est que Boileau
n'etait pas _sensible_; on invoquait la-dessus certaine anecdote,
plus que suspecte, i
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