r le pont, ou tenait compagnie aux
deux amis et les amusait par ses reparties bouffonnes et par son
insouciance. D'autres fois, il flanait dans l'entre-pont, et y
baragouinait le francais, l'anglais et l'allemand avec tout le monde: on
n'en comprenait qu'un mot par-ci par-la, et il faisait rire chacun par
ses balourdises. Les Francais le nommaient Jocrisse et les Allemands
_Hauswurst_; il repondait a ces noms, dont la signification lui etait
inconnue, avec autant de serieux que si le cure l'eut baptise ainsi a sa
naissance.
_Le Jonas_ devait encore subir une rude epreuve: les passagers devaient
voir encore une fois la mort s'elever entre eux et la terre promise de
l'or;--et, cette fois, le danger devait etre si menacant, que tous ceux
qui etaient a bord du _Jonas_ allaient implorer la misericorde celeste a
deux genoux et les mains levees au ciel. Au cap Horn, ce point extreme
de la quatrieme partie du monde, ils furent assaillis par de longues et
terribles tempetes; une nuit, ils se virent entoures dans l'obscurite
par de formidables montagnes de glace, et les marins eux-memes,
renoncant a tout espoir de delivrance, voulaient deja mettre a flot les
chaloupes pour abandonner le navire dans ce moment supreme. En verite,
le destin semblait avoir decide la perte du _Jonas_; mais, soit que le
Seigneur eut pitie de ces creatures eperdues, soit que le sang-froid du
Capitaine sut eviter avec une merveilleuse habilete les montagnes de
glace, les chercheurs d'or echapperent cette fois encore au tombeau qui
s'ouvrait devant eux. Ils arriverent enfin dans l'ocean Pacifique, entre
Valparaiso et Taiti.
Il s'etait ecoule pres de cinq mois depuis le jour ou ils avaient quitte
Anvers et vogue sur l'Ocean. Encore une quarantaine de jours favorables,
et ils allaient mettre le pied sur le rivage du merveilleux pays, but
supreme de leur desir et recompense de tous les maux soufferts. Apres un
si long voyage, l'ennui s'etait empare des passagers, jusqu'au moment ou
ils arriverent pres du cap Horn, et avait jete peu a peu l'apathie et le
decouragement dans les coeurs; mais, maintenant qu'on se trouvait dans
la mer meme qui baignait les cotes de la Californie, les poitrines se
dilaterent, les tetes se releverent avec fierte et les yeux brillerent
d'espoir et d'impatience.
Pendant cette derniere partie du voyage, le repos ne fut trouble que
par un seul evenement. Un matin, de tres-bonne heure, Donat Kwik
accourut en hurlant sur le pont, c
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