ous y contraindre, dit Horace pale comme la mort.
--Vous m'insulterez publiquement? vous me donnerez un soufflet? mais
avec un croc-en-jambe et un revers de mon _frere-jean_... Dieu m'en
preserve, Horace! ces facons-la sort bonnes avec les mouchards et les
gendarmes. Tenez, quoique je ne vous aime plus, j'ai encore pour vous
quelque chose qui me ferait supporter de vous un acte de folie plutot
que d'y repondre. Taisez-vous donc. Je vous previens que je ne me
defendrai pas, et qu'il y aurait lachete de votre part a m'attaquer.
--Mais qui donc ici attaque et provoque? qui donc est lache, trois fois
lache, de vous ou de moi? Vous m'accablez d'outrages, vous me traitez
avec le dernier mepris, et vous dites que vous ne m'accorderez point de
reparation! Ah! dans ce moment, je comprends le duel des Malais, qui
dechirent leurs propres entrailles en presence de leur ennemi.
--Voila une belle phrase, Horace, mais c'est encore de la declamation;
car je ne suis pas votre ennemi; et je jure que je ne veux pas vous
insulter. Je vous donne une lecon amicale, et vous pouvez bien la
recevoir, puisque vous etes venu si souvent la chercher. Il y a
longtemps que je vous l'epargne et que j'accepte de votre part des
excuses dont je ne crois pas avoir jamais abuse contre vous.
--Vous en abusez horriblement dans ce moment-ci; vous me faites rougir
de l'abandon et de la loyaute de coeur que j'ai eus avec vous.
--Je n'en abuse pas, puisque c'est pour vous empecher de vous humilier
de nouveau que je vous defends d'y revenir.
--Mon Dieu! mon Dieu! qu'ai-je donc fait, s'ecria Horace en pleurant de
rage et en se tordant les mains, pour etre traite de la sorte?
--Ce que vous avez fait, je vais vous le dire, repondit Laraviniere.
Vous avez fait souffrir et deperir une pauvre creature qui vous adore et
que vous n'estimez seulement pas.
--Moi! je n'estime pas Marthe! Osez-vous dire que je n'estime pas la
femme a qui j'ai donne ma jeunesse, ma vie, la virginite de mon coeur?
--Je ne pense pas que ce soit a titre de sacrifice que vous l'ayez fait,
et, dans tous les cas, je suis peu dispose a vous en plaindre.
--Parce que vous ne comprenez rien a l'amour. C'est vous qui etes un
etre froid et sans intelligence des passions.
--C'est possible, dit Jean avec un sourire mele d'amertume; mais je ne
fais pas le semblant du contraire. Eh bien, expliquez-moi donc, en ce
cas, en quoi vous etes si a plaindre?
--Jean, s'ecria Horace, vous ne sa
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