, mais il etait inevitable de la
part d'un caractere aussi ferme et aussi egal que l'etait celui de Jean.
"Mon pauvre camarade, dit-il a Horace un jour que celui-ci invoquait
encore son intervention, je ne peux pas vous laisser ignorer davantage
que je ne m'interesse plus du tout a vos amours. Je suis fatigue de voir
d'un cote une folie et de l'autre une faiblesse incurable. Je devrais
dire peut-etre faiblesse et folie de part et d'autre; car il y a de la
monomanie chez Marthe, a vous aimer si constamment, et chez vous il y a
une faiblesse miserable dans toutes ces parades de violence dont vous
nous _regalez_. Je vous ai cru d'abord egoiste, et puis je vous ai cru
bon. Maintenant je vois que vous n'etes ni bon ni mauvais; vous etes
froid, et vous aimez a vous demener dans un orage de passions factices;
vous avez une nature de comedien. Quand nous sommes la a nous emouvoir
de vos trepignements, de vos declamations et de vos sanglots, vous vous
amusez a nos depens, j'en suis certain. Oh! ne vous fachez pas, ne
roulez pas les yeux comme Bocage dans Buridan, et ne serrez pas le
poing. J'ai vu cela si souvent, qu'a tout ce que vous pourriez faire
ou dire je repondrais _connu!_ Je suis un spectateur use, et desormais
aussi froid qu'un homme qui a ses entrees au theatre. Je sais que vous
etes puissant dans le drame; mais je sais toutes vos pieces par coeur.
Si vous voulez que je vous ecoute, reprenez votre serieux, jetez votre
poignard, et parlez-moi raison. Dites-moi prosaiquement que vous n'aimez
plus votre maitresse parce qu'elle vous ennuie, et autorisez-moi a le
lui faire comprendre avec tous les egards et les menagements qui lui
sont dus. C'est alors seulement que je vous rendrai mon estime et que je
vous croirai un homme d'honneur.
--Eh bien, dit Horace avec une rage concentree, je consens a vous parler
froidement, tres-froidement; car je sais me vaincre, et commence par
vous dire serieusement et tranquillement que vous me rendrez raison de
toutes les insultes que vous venez de me faire...
--Allons au fait, reprit Jean. C'est la dixieme fois depuis un mois que
vous me provoquez; et c'eut ete vous rendre service que de vous prendre
au mot; mais j'ai un meilleur emploi a faire de mon sang que de le
compromettre avec un maladroit comme vous. Rappelez-vous donc que je
fais sauter votre fleuret toutes les fois que nous nous amusons a
l'escrime, et en consequence souffrez que je refuse votre nouveau defi.
--Je saurai v
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