fis mettre sur pied tous les hommes du campement avec ordre de la
chercher jusqu'a ce qu'on l'eut retrouvee.
On la chercha toute la nuit, on la chercha le lendemain, on la chercha
toute la semaine. Aucune trace ne fut decouverte pouvant mettre sur la
piste. Moi je souffrais; elle me manquait; ma maison me semblait vide
et mon existence deserte. Puis des idees inquietantes me passaient par
l'esprit. Je craignais qu'ont l'eut enlevee, ou assassinee peut-etre.
Mais comme j'essayais toujours d'interroger Mohammed et de lui
communiquer mes apprehensions, il repondait sans varier:
--Non, parti.
Puis il ajoutait le mot arabe "r'ezale" qui veut dire "gazelle," comme
pour exprimer qu'elle courait vite et qu'elle etait loin.
Trois semaines se passerent et je n'esperais plus revoir jamais ma
maitresse arabe, quand un matin, Mohammed, les traits eclaires par la
joie, entra chez moi et me dit:
--Moussie, Allouma il est revenu.
Je sautai du lit et je demandai:
--Ou est-elle?
--N'ose pas venir! La-bas, sous l'arbre! Et de son bras tendu, il me
montrait par la fenetre une tache blanchatre au pied d'un olivier.
Je me levai et je sortis. Comme j'approchais de ce paquet de linge
qui semblait jete contre le tronc tordu, je reconnus les grands yeux
sombres, les etoiles tatouees, la figure longue et reguliere de la
fille sauvage qui m'avait seduit. A mesure que j'avancais une colere me
soulevait, une envie de frapper, de la faire souffrir, de me venger.
Je criai de loin:
--D'ou viens-tu?
Elle ne repondit pas et demeurait immobile, inerte, comme si elle ne
vivait plus qu'a peine, resignee a mes violences, prete aux coups.
J'etais maintenant debout tout pres d'elle, contemplant avec stupeur les
haillons qui la couvraient, ces loques de soie et de laine, grises de
poussiere, dechiquetees, sordides.
Je repetai, la main levee comme sur un chien.
--D'ou viens-tu?
Elle murmura:
--De la-bas!
--D'ou?
--De la tribu!
--De quelle tribu?
--De la mienne.
--Pourquoi es-tu partie?
Voyant que je ne la battais point, elle s'enhardit un peu, et, a voix
basse:
--Il fallait... il fallait... je ne pouvais plus vivre dans la maison.
Je vis des larmes dans ses yeux, et tout de suite, je fus attendri comme
une bete. Je me penchai vers elle, et j'apercus, en me retournant pour
m'asseoir, Mohammed qui nous epiait, de loin.
Je repris, tres doucement:
--Voyons, dis-moi pourquoi tu es partie?
Alors elle
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