ais si elle vient chez toi?
--Je... n'y suis pas.
--Et si elle revient?
--Je lui dis que je suis indispose.
--Si elle te soigne?
--Je... je lui fais une crasse.
--Si elle l'accepte?
--J'ecris des lettres anonymes a son mari pour qu'il la surveille les
jours ou je l'attends.
--Ca c'est grave! Moi je n'ai pas de resistance. Je ne sais pas rompre.
Je les collectionne. Il y en a que je ne vois plus qu'une fois par an,
d'autres tous les dix mois, d'autres au moment du terme, d'autres les
jours ou elles ont envie de diner au cabaret. Celles que j'ai espacees
ne me genent pas, mais j'ai souvent bien du mal avec les nouvelles pour
les distancer un peu.
--Alors...
--Alors, mon cher, la petite ministere etait tout feu, tout flamme, sans
un tort, comme je te l'ai dit! Comme son mari passe tous ses jours au
bureau, elle se mettait sur le pied d'arriver chez moi a l'improviste.
Deux fois elle a failli rencontrer mon habitude.
--Diable!
--Oui. Donc j'ai donne a chacune ses jours, des jours fixes pour eviter
les confusions. Lundi et samedi a l'ancienne. Mardi, jeudi et dimanche a
la nouvelle.
--Pourquoi cette preference?
--Ah! mon cher, elle est plus jeune.
--Ca ne te faisait que deux jours de repos par semaine.
--Ca me suffit.
--Mes compliments!
--Or, figure-toi qu'il m'est arrive l'histoire la plus ridicule du monde
et la plus embetante. Depuis quatre mois tout allait parfaitement; je
dormais sur mes deux oreilles et j'etais vraiment tres heureux quand
soudain, lundi dernier, tout craque.
J'attendais mon habitude a l'heure dite, une heure un quart, en fumant
un bon cigare.
Je revassais, tres satisfait de moi, quand je m'apercus que l'heure
etait passee. Je fus surpris car elle est tres exacte. Mais je crus a
un petit retard accidentel. Cependant une demi-heure se passe, puis une
heure, une heure et demie et je compris qu'elle avait ete retenue par
une cause quelconque, une migraine peut-etre ou un importun. C'est tres
ennuyeux ces choses-la, ces attentes... inutiles, tres ennuyeux et tres
enervant. Enfin, j'en pris mon parti, puis je sortis et, ne sachant que
faire, j'allai chez elle.
Je la trouvai en train de lire un roman.
--Eh bien, lui dis-je?
Elle repondit tranquillement:
--Mon cher, je n'ai pas pu, j'ai ete empechee.
--Par quoi?
--Par... des occupations.
--Mais... quelles occupations?
--Une visite tres ennuyeuse.
Je pensai qu'elle ne voulait pas me dire la
|