principe, il n'est inconvenant
d'entrer chez un homme serieux, connu, dans une certaine situation, que
lorsqu'on y va pour une cause inavouable!
--Au fond, c'est assez juste ce que vous dites-la.
--Alors vous venez voir ma collection.
--Quand?
--Mais tout de suite.
--Impossible, je suis pressee.
--Allons donc. Voila une demi-heure que vous etes assise dans le square.
--Vous m'espionniez?
--Je vous regardais.
--Vrai, je suis pressee.
--Je suis sur que non. Avouez que vous n'etes pas tres pressee.
Madame Haggan se mit a rire, et avoua:
--Non... non... pas... tres...
Un fiacre passait a les toucher. Le petit baron cria: "Cocher!" et la
voiture s'arreta. Puis, ouvrant la portiere:
--Montez, madame.
--Mais, baron, non, c'est impossible, je ne peux pas aujourd'hui.
--Madame, ce que vous faites est imprudent, montez! On commence a nous
regarder, vous allez former un attroupement; on va croire que je vous
enleve et nous arreter tous les deux, montez, je vous en prie!
Elle monta, effaree, abasourdie. Alors il s'assit aupres d'elle en
disant au cocher: "rue de Provence".
Mais soudain elle s'ecria:
--Oh! mon Dieu, j'oubliais une depeche tres pressee, voulez-vous me
conduire, d'abord, au premier bureau telegraphique?
Le fiacre s'arreta un peu plus loin, rue de Chateaudun, et elle dit au
baron:
--Pouvez-vous me prendre une carte de cinquante centimes? J'ai promis
a mon mari d'inviter Martelet a diner pour demain, et j'ai oublie
completement.
Quand le baron fut revenu, sa carte bleue a la main, elle ecrivit au
crayon:
--"Mon cher ami, je suis tres souffrante; j'ai une nevralgie atroce qui
me tient au lit. Impossible sortir. Venez diner demain soir pour que je
me fasse pardonner.
"JEANNE."
Elle mouilla la colle, ferma soigneusement, mit l'adresse: "Vicomte de
Martelet, 240, rue Miromesnil," puis, rendant la carte au baron:
--Maintenant, voulez-vous avoir la complaisance de jeter ceci dans la
boite aux telegrammes.
LE PORT
I
Sorti du Havre le 3 mai 1882, pour un voyage dans les mers de Chine, le
trois-mats carre _Notre-Dame-des-Vents,_ rentra au port de Marseille le
8 aout 1886, apres quatre ans de voyages. Son premier chargement depose
dans le port chinois ou il se rendait, il avait trouve sur-le-champ un
fret nouveau pour Buenos-Ayres, et de la, avait pris des marchandises
pour le Bresil.
D'autres traversees, encore des avaries, des reparations, les c
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