ovince, faute de soins, de lavages
repetes, de tous les petits soucis, de toutes les petites propretes, de
toutes les petites attentions de la toilette feminine qui immobilisent
la fraicheur et conservent, jusqu'a pres de cinquante ans, le charme et
la beaute. Un fichu sur les epaules, les cheveux noues a la diable, de
beaux cheveux epais et noirs, mais qu'on devinait peu brosses, elle
allongea vers une chaise des mains de bonne et enleva une robe d'enfant,
un couteau, un bout de ficelle, un pot a fleurs vide et une assiette
grasse demeures sur le siege qu'elle tendit ensuite au visiteur.
Il s'assit et s'apercut alors que la table de travail de Duchoux
portait, outre les livres et les papiers, deux salades fraichement
cueillies, une cuvette, une brosse a cheveux, une serviette, un revolver
et plusieurs tasses non nettoyees.
L'architecte vit ce regard et dit en souriant:
--Excusez! il y a un peu de desordre dans le salon; ca tient aux
enfants.
Et il approcha sa chaise pour causer avec le client.
--Donc, vous cherchez un terrain aux environs de Marseille?
Son haleine, bien que venue de loin, apporta au baron ce souffle d'ail
qu'exhalent les gens du Midi ainsi que des fleurs leur parfum.
Mordiane demanda:
--C'est votre fils que j'ai rencontre sous les platanes?
--Oui. Oui, le second.
--Vous en avez deux?
--Trois, monsieur, un par an.
Et Duchoux semblait plein d'orgueil.
Le baron pensait: "S'ils fleurent tous le meme bouquet, leur chambre
doit etre une vraie serre."
Il reprit:
--Oui, je voudrais un joli terrain pres de la mer, sur une petite plage
deserte...
Alors Duchoux s'expliqua. Il en avait dix, vingt, cinquante, cent et
plus, de terrains dans ces conditions, a tous les prix, pour tous les
gouts. Il parlait comme coule une fontaine, souriant, content de lui,
remuant sa tete chauve et ronde.
Et Mordiane se rappelait une petite femme blonde, mince, un peu
melancolique et disant si tendrement: "Mon cher aime" que le souvenir
seul avivait le sang de ses veines. Elle l'avait aime avec passion, avec
folie, pendant trois mois; puis, devenue enceinte en l'absence de son
mari qui etait gouverneur d'une colonie, elle s'etait sauvee, s'etait
cachee, eperdue de desespoir et de terreur, jusqu'a la naissance de
l'enfant que Mordiane avait emporte, un soir d'ete et qu'ils n'avaient
jamais revu.
Elle etait morte de la poitrine trois ans plus tard, la-bas, dans la
colonie de son mari qu'elle e
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