uste, et
demeura debout au bord du chemin, regardant le monsieur avec ses yeux
ronds.
Mordiane s'approcha:
--Bonjour, mon garcon.
Le gamin ne repondit pas.
Le baron, alors, s'etant penche, le prit dans ses bras pour l'embrasser,
puis, suffoque par une odeur d'ail dont l'enfant tout entier semblait
impregne, il le remit brusquement a terre en murmurant:
--Oh! c'est l'enfant du jardinier.
Et il marcha vers la demeure.
Le linge sechait sur une corde devant la porte, chemises, serviettes,
torchons, tabliers et draps, tandis qu'une garniture de chaussettes
alignees sur des ficelles superposees emplissait une fenetre entiere,
pareille aux etalages de saucisses devant les boutiques de charcutiers.
Le baron appela.
Une servante apparut, vraie servante du Midi, sale et depeignee, dont
les cheveux, par meches, lui tombaient sur la face, dont la jupe, sous
l'accumulation des taches qui l'avaient assombrie, gardait de sa couleur
ancienne quelque chose de tapageur, un air de foire champetre et de robe
de saltimbanque.
Il demanda:
--M. Duchoux est-il chez lui?
Il avait donne, jadis, par plaisanterie de viveur sceptique, ce nom a
l'enfant perdu afin qu'on n'ignorat point qu'il avait ete trouve sous un
chou.
La servante repeta:
--Vous demandez M. Duchouxe?
--Oui.
--Te, il est dans la salle, qui tire ses plans.
--Dites-lui que M. Merlin demande a lui parler.
Elle reprit, etonnee:
--He! donc, entrez, si vous voulez le voir. Et elle cria:
--Mosieu Duchouxe, une visite!
Le baron entra, et, dans une grande salle, assombrie par les volets a
moitie clos, il apercut indistinctement des gens et des choses qui lui
parurent malpropres.
Debout devant une table surchargee d'objets de toute sorte, un petit
homme chauve tracait des lignes sur un large papier.
Il interrompit son travail et fit deux pas.
Son gilet ouvert, sa culotte deboutonnee, les poignets de sa chemise
releves, indiquaient qu'il avait fort chaud, et il etait chausse de
souliers boueux revelant qu'il avait plu quelques jours auparavant.
Il demanda, avec un fort accent meridional:
--A qui ai-je l'honneur?...
--Monsieur Merlin... Je viens vous consulter pour un achat de terrain a
batir.
--Ah! ah! tres bien!
Et Duchoux, se tournant vers sa femme, qui tricotait dans l'ombre:
--Debarrasse une chaise, Josephine.
Mordiane vit alors une femme jeune, qui semblait deja vieille, comme
on est vieux a vingt-cinq ans en pr
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