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ns. Jadis, il etait fort, alerte et gai, donnant tous ses jours au sport et toutes ses nuits aux fetes. Maintenant, il s'alourdissait et ne prenait plus plaisir a grand'chose. Les exercices le fatiguaient, les soupers et meme les diners lui faisaient mal, les femmes l'ennuyaient autant qu'elles l'avaient autrefois amuse. La monotonie des soirs pareils, des memes amis retrouves au meme lieu, au cercle, de la meme partie avec des chances et des deveines balancees, des memes propos sur les memes choses, du meme esprit dans les memes bouches, des memes plaisanteries sur les memes sujets, des memes medisances sur les memes femmes, l'ecoeurait au point de lui donner, par moments, de veritables desirs de suicide. Il ne pouvait plus mener cette vie reguliere et vide, si banale, si legere et si lourde en meme temps, et il desirait quelque chose de tranquille, de reposant, de confortable, sans savoir quoi. Certes, il ne songeait pas a se marier, car il ne se sentait pas le courage de se condamner a la melancolie, a la servitude conjugale, a cette odieuse existence de deux etres, qui, toujours ensemble, se connaissaient jusqu'a ne plus dire un mot qui ne soit prevu par l'autre, a ne plus faire un geste qui ne soit attendu, a ne plus avoir une pensee, un desir, un jugement qui ne soient devines. Il estimait qu'une personne ne peut etre agreable a voir encore que lorsqu'on la connait peu, lorsqu'il reste en elle du mystere, de l'inexplore, lorsqu'elle demeure un peu inquietante et voilee. Donc il lui aurait fallu une famille qui n'en fut pas une, ou il aurait pu passer une partie seulement de sa vie; et, de nouveau, le souvenir de son fils le hanta. Depuis un an, il y songeait sans cesse, sentant croitre en lui l'envie irritante de le voir, de le connaitre. Il l'avait eu dans sa jeunesse, au milieu de circonstances dramatiques et tendres. L'enfant, envoye dans le Midi, avait ete eleve pres de Marseille, sans jamais connaitre le nom de son pere. Celui-ci avait paye d'abord les mois de nourrice, puis les mois de college, puis les mois de fete, puis la dot pour un mariage raisonnable. Un notaire discret avait servi d'intermediaire sans jamais rien reveler. Le baron de Mordiane savait donc seulement qu'un enfant de son sang vivait quelque part, aux environs de Marseille, qu'il passait pour intelligent et bien eleve, qu'il avait epouse la fille d'un architecte entrepreneur, dont il avait pris la suite. Il passait aussi pour gag
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