es-tu la
peche?
--Quelle peche?
--La peche au flambeau.
--Mais oui, je l'adore.
--Eh bien, nous irons, apres diner. Puis nous reviendrons prendre des
sorbets sur mon toit.
Apres que je me fus baigne, il me fit visiter la ravissante ville
kabyle, une vraie cascade de maisons blanches degringolant a la mer,
puis nous rentrames comme le soir venait, et apres un exquis diner nous
descendimes vers le quai.
On ne voyait plus rien que les feux des rues et les etoiles, ces larges
etoiles luisantes, scintillantes, du ciel d'Afrique.
Dans un coin du port, une barque attendait Des que nous fumes dedans, un
homme dont je n'avais point distingue le visage se mit a ramer pendant
que mon ami preparait le brasier qu'il allumerait tout a l'heure. Il me
dit:
--Tu sais, c'est moi qui manie la fouine. Personne n'est plus fort que
moi.
--Mes compliments.
Nous avions contourne une sorte de mole et nous etions, maintenant, dans
une petite baie pleine de hauts rochers dont les ombres avaient l'air de
tours baties dans l'eau, et je m'apercus, tout a coup, que la mer
etait phosphorescente. Les avirons qui la battaient lentement, a coups
reguliers, allumaient dedans, a chaque tombee, une lueur mouvante et
bizarre qui trainait ensuite au loin derriere nous, en s'eteignant. Je
regardais, penche, cette coulee de clarte pale, emiettee par les rames,
cet inexprimable feu de la mer, ce feu froid qu'un mouvement allume et
qui meurt des que le flot se calme. Nous allions dans le noir, glissant
sur cette lueur, tous les trois.
Ou allions-nous? Je ne voyais point mes voisins, je ne voyais rien que
ce remous lumineux et les etincelles d'eau projetees par les avirons. Il
faisait chaud, tres chaud. L'ombre semblait chauffee dans un four, et
mon coeur se troublait de ce voyage mysterieux avec ces deux hommes dans
cette barque silencieuse.
Des chiens, les maigres chiens arabes au poil roux, au nez pointu, aux
yeux luisants, aboyaient au loin, comme ils aboient toutes les nuits
sur cette terre demesuree, depuis les rives de la mer jusqu'au fond du
desert ou campent les tribus errantes. Les renards, les chacals, les
hyenes, repondaient; et non loin de la, sans doute, quelque lion
solitaire devait grogner dans une gorge de l'Atlas.
Soudain, le rameur s'arreta. Ou etions-nous? Un petit bruit grinca pres
de moi. Une flamme d'allumette apparut, et je vis une main, rien qu'une
main, portant cette flamme legere vers la grille de fer susp
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