oisin d'etudes.
--Ah! vieux, je t'ai reconnu du premier coup, moi.
Et la longue barbe se frotta sur mes joues.
Il semblait si content, si gai, si heureux de me voir, que, par un elan
d'amical egoisme, je serrai fortement les deux mains de ce camarade de
jadis, et que je me sentis moi-meme tres satisfait de l'avoir ainsi
retrouve.
Tremoulin avait ete pour moi pendant quatre ans le plus intime, le
meilleur de ces compagnons d'etudes que nous oublions si vite a peine
sortis du college. C'etait alors un grand corps mince, qui semblait
porter une tete trop lourde, une grosse tete ronde, pesante, inclinant
le cou tantot a droite, tantot a gauche, et ecrasant la poitrine etroite
de ce haut collegien a longues jambes.
Tres intelligent, doue d'une facilite merveilleuse, d'une rare souplesse
d'esprit, d'une sorte d'intuition instinctive pour toutes les etudes
litteraires, Tremoulin etait le grand decrocheur de prix de notre
classe.
On demeurait convaincu au college qu'il deviendrait un homme illustre,
un poete sans doute, car il faisait des vers et il etait plein d'idees
ingenieusement sentimentales. Son pere, pharmacien dans le quartier du
Pantheon, ne passait pas pour riche.
Aussitot apres le baccalaureat, je l'avais perdu de vue.
--Qu'est-ce que tu fais ici? m'ecriai-je.
Il repondit en souriant:
--Je suis colon.
--Bah! Tu plantes?
--Et je recolte.
--Quoi?
--Du raisin, dont je fais du vin.
--Et ca va?
--Ca va tres bien.
--Tant mieux, mon vieux.
--Tu allais a l'hotel?
--Mais, oui.
--Eh bien, tu iras chez moi.
--Mais!...
--C'est entendu.
Et il dit au negrillon qui surveillait nos mouvements:
--Chez moi, Ali.
Ali repondit:
--Foui, moussi.
Puis se mit a courir, ma valise sur l'epaule, ses pieds noirs battant la
poussiere.
Tremoulin me saisit le bras, et m'emmena. D'abord il me posa des
questions sur mon voyage, sur mes impressions, et, voyant mon
enthousiasme, parut m'en aimer davantage.
Sa demeure etait une vieille maison mauresque a cour interieure, sans
fenetres sur la rue, et dominee par une terrasse qui dominait elle-meme
celles des maisons voisines, et le golfe et les forets, les montagnes,
la mer.
Je m'ecriai:
--Ah! voila ce que j'aime, tout l'Orient m'entre dans le coeur en ce
logis. Cristi! que tu es heureux de vivre ici! Quelles nuits tu dois
passer sur cette terrasse! Tu y couches?
--Oui, j'y dors pendant l'ete. Nous y monterons ce soir. Aim
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