sorte de cri, et les sanglots jaillirent de
nouveau de ses yeux. Alors, saisi par la contagion, Cesar se mit aussi a
pleurer, et comme les larmes attendrissent toujours les fibres du coeur,
il se pencha vers Emile dont le front se trouvait a portee de sa bouche
et l'embrassa.
La mere, reprenant haleine, murmurait:
--Pauvre gars, le voila orphelin.
--Moi aussi, dit Cesar.
Et ils ne parlerent plus.
Mais soudain, l'instinct pratique de menagere, habituee a songer a tout,
se reveilla chez la jeune femme.
--Vous n'avez peut-etre rien pris de la matinee, monsieur Cesar?
--Non, mam'zelle.
--Oh! vous devez avoir faim. Vous allez manger un morceau.
--Merci, dit-il, je n'ai pas faim, j'ai eu trop de tourment.
Elle repondit:
--Malgre la peine, faut bien vivre, vous ne me refuserez pas ca! Et puis
vous resterez un peu plus. Quand vous serez parti, je ne sais pas ce que
je deviendrai.
Il ceda, apres quelque resistance encore, et s'asseyant dos au feu, en
face d'elle, il mangea une assiette de tripes qui crepitaient dans le
fourneau et but un verre de vin rouge. Mais il ne permit point qu'elle
debouchat le vin blanc.
Plusieurs fois il essuya la bouche du petit qui avait barbouille de
sauce tout son menton.
Comme il se levait pour partir, il demanda:
--Quand est-ce voulez-vous que je revienne pour parler de l'affaire,
mam'zelle Donet?
--Si ca ne vous faisait rien, jeudi prochain, monsieur Cesar. Comme ca
je ne perdrais pas de temps. J'ai toujours mes jeudis libres.
--Ca me va, jeudi prochain.
--Vous viendrez dejeuner, n'est-ce pas?
--Oh! quant a ca, je ne peux pas le promettre.
--C'est qu'on cause mieux en mangeant. On a plus de temps aussi.
--Eh bien, soit. Midi alors.
Et il s'en alla apres avoir encore embrasse le petit Emile, et serre la
main de Mlle Donet.
III
La semaine parut longue a Cesar Hautot. Jamais il ne s'etait trouve seul
et l'isolement lui semblait insupportable. Jusqu'alors, il vivait a
cote de son pere, comme son ombre, le suivait aux champs, surveillait
l'execution de ses ordres, et quand il l'avait quitte pendant quelque
temps le retrouvait au diner. Ils passaient les soirs a fumer leurs
pipes en face l'un de l'autre, en causant chevaux, vaches ou moutons;
et la poignee de main qu'ils se donnaient au reveil semblait l'echange
d'une affection familiale et profonde.
Maintenant Cesar etait seul. Il errait par les labours d'automne,
s'attendant toujours
|