?
--Oui... J'ai ma pipe.
Il tata sa poche. Nom d'un nom, il l'avait oubliee! Il allait se desoler
quand elle lui offrit une pipe du pere, enfermee dans une armoire. Il
accepta, la prit, la reconnut, la flaira, proclama sa qualite avec une
emotion dans la voix, l'emplit de tabac et l'alluma. Puis il mit Emile
a cheval sur sa jambe et le fit jouer au cavalier pendant qu'elle
desservait la table et enfermait, dans le bas du buffet, la vaisselle
sale pour la laver, quand il serait sorti.
Vers trois heures, il se leva a regret, tout ennuye a l'idee de partir.
--Eh bien! mam'zelle Donet, dit-il, je vous souhaite le bonsoir et
charme de vous avoir trouvee comme ca.
Elle restait devant lui, rouge, bien emue, et le regardait en songeant a
l'autre.
--Est-ce que nous ne nous reverrons plus? dit-elle.
Il repondit simplement:
--Mais oui, mam'zelle, si ca vous fait plaisir.
--Certainement, monsieur Cesar. Alors, jeudi prochain, ca vous irait-il?
--Oui, mam'zelle Donet.
--Vous venez dejeuner, bien sur?
--Mais..., si vous voulez bien, je ne refuse pas.
--C'est entendu, monsieur Cesar, jeudi prochain, midi, comme
aujourd'hui.
--Jeudi midi, mam'zelle Donet!
BOITELLE
A _Robert Pinchon_
Le pere Boitelle (Antoine) avait dans tout le pays la specialite des
besognes malpropres. Toutes les fois qu'on avait a faire nettoyer
une fosse, un fumier, un puisard, a curer un egout, un trou de fange
quelconque, c'etait lui qu'on allait chercher.
Il s'en venait avec ses instruments de vidangeur et ses sabots enduits
de crasse, et se mettait a sa besogne en geignant sans cesse sur son
metier. Quand on lui demandait alors pourquoi il faisait cet ouvrage
repugnant, il repondait avec resignation:
--Pardi, c'est pour mes enfants qu'il faut nourrir. Ca rapporte plus
qu'autre chose.
Il avait, en effet, quatorze enfants. Si on s'informait de ce qu'ils
etaient devenus, il disait avec un air d'indifference:
--N'en reste huit a la maison. Y en a un au service et cinq maries.
Quand on voulait savoir s'ils etaient bien maries, il reprenait avec
vivacite:
--Je les ai pas opposes. Je les ai opposes en rien. Ils ont marie comme
ils ont voulu. Faut pas opposer les gouts, ca tourne mal. Si je suis
ordureux, me, c'est que mes parents m'ont oppose dans mes gouts. Sans
ca, j'aurais devenu un ouvrier comme les autres.
Voici en quoi ses parents l'avaient contrarie dans ses gouts.
Il etait alors soldat, faisant
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