de croquettes sucrees, frites
et sautees, de toute une patisserie bizarre de nomade.
Elle riait, montrant ses belles dents, et elle repeta:
--Nous allons faire Ramadan ensemble.
Vous savez que le jeune, commence a l'aurore et termine au crepuscule,
au moment ou l'oeil ne distingue plus un fil blanc d'un fil noir, est
suivi chaque soir de petites fetes intimes ou on mange jusqu'au matin.
Il en resulte que, pour les indigenes peu scrupuleux, le Ramadan
consiste a faire du jour la nuit, et de la nuit le jour. Mais Allouma
poussait plus loin la delicatesse de conscience. Elle installa son
plateau entre nous deux, sur le divan, et prenant avec ses longs doigts
minces une petite boulette poudree, elle me la mit dans la bouche en
murmurant:
--C'est bon, mange.
Je croquai, le leger gateau qui etait excellent en effet, et je lui
demandai:
--C'est toi qui as fait ca?
--Oui, c'est moi?
--Pour moi?
--Oui, pour toi.
--Pour me faire supporter le Ramadan.
--Oui, ne sois pas mechant! Je t'en apporterai tous les jours.
Oh! le terrible mois que je passai la! un mois sucre, douceatre,
enrageant, un mois de gateries et de tentations, de coleres et d'efforts
vains contre une invincible resistance.
Puis, quand arriverent les trois jours du Beiram, je les celebrai a ma
facon et le Ramadan fut oublie.
L'ete s'ecoula, il fut tres chaud. Vers les premiers jours de l'automne,
Allouma me parut preoccupee, distraite, desinteressee de tout.
Or, un soir, comme je la faisais appeler, on ne la trouva point dans sa
chambre. Je pensai qu'elle rodait dans la maison et j'ordonnai qu'on la
cherchat. Elle n'etait pas rentree; j'ouvris la fenetre et je criai:
--Mohammed.
La voix de l'homme couche sous sa tente repondit:
--Oui, moussie.
--Sais-tu ou est Allouma?
--Non, moussie--pas possible--Allouma perdu?
Quelques secondes apres, mon Arabe entrait chez moi, tellement emu qu'il
ne maitrisait point son trouble. Il demanda:
--Allouma perdu?
--Mais oui, Allouma perdu.
--Pas possible?
--Cherche, lui dis-je?
Il restait debout, songeant, cherchant, ne comprenant pas. Puis, il
entra dans la chambre vide ou les vetements d'Allouma trainaient, dans
un desordre oriental. Il regarda tout comme un policier, ou plutot il
flaira comme un chien, puis, incapable d'un long effort, il murmura avec
resignation:
--Parti, il est parti!
Moi je craignais un accident, une chute, une entorse au fond d'un ravin,
et je
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