va demeurer dans la maison. Tu etaleras des tapis dans la
chambre, au bout du couloir, et tu feras venir ici pour la servir la
femme d'Abd-el-Kader-el-Hadara.
--Oui, moussie.
Ce fut tout.
Une heure plus tard, ma belle Arabe etait installee dans une grande
chambre claire; et comme je venais m'assurer que tout allait bien, elle
me demanda, d'un ton suppliant, de lui faire cadeau d'une armoire
a glace. Je promis, puis je la laissai accroupie sur un tapis du
Djebel-Amour, une cigarette a la bouche, et bavardant avec la vieille
Arabe que j'avais envoye chercher, comme si elles se connaissaient
depuis des annees.
II
Pendant un mois, je fus tres heureux avec elle et je m'attachai d'une
facon bizarre a cette creature d'une autre race, qui me semblait presque
d'une autre espece, nee sur une planete voisine.
Je ne l'aimais pas--non--on n'aime point les filles de ce continent
primitif. Entre elles et nous, meme entre elles et leurs males naturels,
les Arabes, jamais n'eclot la petite fleur bleue des pays du Nord.
Elles sont trop pres de l'animalite humaine, elles ont un coeur trop
rudimentaire, une sensibilite trop peu affinee, pour eveiller dans
nos ames l'exaltation sentimentale qui est la poesie de l'amour. Rien
d'intellectuel, aucune ivresse de la pensee ne se mele a l'ivresse
sensuelle que provoquent en nous ces etres charmants et nuls.
Elles nous tiennent pourtant, elles nous prennent, comme les autres,
mais d'une facon differente, moins tenace, moins cruelle, moins
douloureuse.
Ce que j'eprouvai pour celle-ci, je ne saurais encore l'expliquer d'une
facon precise. Je vous disais tout a l'heure que ce pays, cette Afrique
nue, sans arts, vide de toutes les joies intelligentes, fait peu a peu
la conquete de notre chair par un charme inconnaissable et sur, par la
caresse de l'air, par la douceur constante des aurores et des soirs, par
sa lumiere delicieuse, par le bien-etre discret dont elle baigne tous
nos organes! Eh bien! Allouma me prit de la meme facon, par mille
attraits caches, captivants et physiques, par la seduction penetrante
non point de ses embrassements, car elle etait d'une nonchalance toute
orientale, mais de ses doux abandons.
Je la laissais absolument libre d'aller et de venir a sa guise et elle
passait au moins une apres-midi sur deux dans le campement voisin, au
milieu des femmes de mes agriculteurs indigenes. Souvent aussi, elle
demeurait durant une journee presque entiere, a se m
|