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anie, dit-on. Je redescendais, allant vers le Sud, decouvrant devant moi jusqu'aux cimes dressees sur le ciel clair, au seuil du desert, une contree bosselee, soulevee et fauve, fauve comme si toutes ces collines etaient recouvertes de peaux de lion cousues ensemble. Quelquefois, au milieu d'elles, une bosse plus haute se dressait, pointue et jaune, pareille au dos broussailleux d'un chameau. J'allais a pas rapides, leger, comme on l'est en suivant les sentiers tortueux sur les pentes d'une montagne. Rien ne pese, en ces courses alertes dans l'air vif des hauteurs, rien ne pese, ni le corps, ni le coeur, ni les pensees, ni meme les soucis. Je n'avais plus rien en moi, ce jour-la, de tout ce qui ecrase et torture notre vie, rien que la joie de cette descente. Au loin, j'apercevais des campements arabes, tentes brunes, pointues, accrochees au sol comme les coquilles de mer sur les rochers, ou bien des gourbis, huttes de branches d'ou sortait une fumee grise. Des formes blanches, hommes ou femmes, erraient autour a pas lents; et les clochettes des troupeaux tintaient vaguement dans l'air du soir. Les arbousiers sur ma route se penchaient, etrangement charges de leurs fruits de pourpre qu'ils repandaient dans le chemin. Ils avaient l'air d'arbres martyrs d'ou coulait une sueur sanglante, car au bout de chaque branchette pendait une graine rouge comme une goutte de sang. Le sol, autour d'eux, etait couvert de cette pluie suppliciale, et le pied ecrasant les arbouses laissait par terre des traces de meurtre. Parfois, d'un bond, en passant, je cueillais les plus mures pour les manger. Tous les vallons a present se remplissaient d'une vapeur blonde qui s'elevait lentement comme la buee des flancs d'un boeuf; et sur la chaine des monts qui fermaient l'horizon, a la frontiere du Sahara flamboyait un ciel de Missel. De longues trainees d'or alternaient avec des trainees de sang--encore du sang! du sang et de l'or, toute l'histoire humaine--et parfois entre elles s'ouvrait une trouee mince sur un azur verdatre, infiniment lointain comme le reve. Oh! que j'etais loin, que j'etais loin de toutes les choses et de toutes les gens dont on s'occupe autour des boulevards, loin de moi-meme aussi, devenu une sorte d'etre errant, sans conscience, et sans pensee, un oeil qui passe, qui voit, qui aime voir, loin encore de ma route a laquelle je ne songeais plus, car aux approches de la nuit je m'apercus que j'etais perdu. L'ombre
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