tillons de la race humaine que j'eusse vus. Les femmes
sont belles par ici, grandes, et d'une rare harmonie de traits et de
lignes.
Un peu confus, je laissai retomber le bord de la tente et je rentrai
chez moi.
J'aime les femmes! L'eclair de cette vision m'avait traverse et brule,
ranimant en mes veines la vieille ardeur redoutable a qui je dois d'etre
ici. Il faisait chaud, c'etait en juillet, et je passai presque toute la
nuit a ma fenetre, les yeux sur la tache sombre que faisait a terre la
tente de Mohammed.
Quand il entra dans ma chambre, le lendemain, je le regardai bien en
face, et il baissa la tete comme un homme confus, coupable. Devinait-il
ce que je savais?
Je lui demandai brusquement.
--Tu es donc marie, Mohammed? Je le vis rougir, et il balbutia:
--Non, moussie!
Je le forcais a parler francais et a me donner des lecons d'arabe, ce
qui produisait souvent une langue intermediaire des plus incoherentes.
Je repris:
--Alors, pourquoi y a-t-il une femme chez toi.
Il murmura:
--Il est du Sud.
--Ah! elle est du Sud. Cela ne m'explique pas comment elle se trouve
sous ta tente.
Sans repondre a ma question, il reprit:
--Il est tres joli.
--Ah! vraiment. Eh bien, une autre fois, quand tu recevras comme ca
une tres jolie femme du Sud, tu auras soin de la faire entrer dans mon
gourbi et non dans le tien. Tu entends, Mohammed?
Il repondit avec un grand serieux:
--Oui, moussie.
J'avoue que pendant toute la journee je demeurai sous l'emotion
agressive du souvenir de cette fille arabe etendue sur un tapis rouge;
et, en rentrant, a l'heure du diner, j'eus une forte envie de traverser
de nouveau la tente de Mohammed. Durant la soiree, il fit son service
comme toujours, tournant autour de moi avec sa figure impassible, et je
faillis plusieurs fois lui demander s'il allait garder longtemps sous
son toit de poil de chameau cette demoiselle du Sud, qui etait tres
jolie.
Vers neuf heures, toujours hante par ce gout de la femme, qui est tenace
comme l'instinct de chasse chez les chiens, je sortis pour prendre l'air
et pour roder un peu dans les environs du cone de toile brune a travers
laquelle j'apercevais le point brillant d'une lumiere.
Puis je m'eloignai, pour n'etre pas surpris par Mohammed dans les
environs de son logis.
En rentrant, une heure plus tard, je vis nettement son profil a lui,
sous sa tente. Puis ayant tire ma clef de ma poche, je penetrai dans le
bordj ou couchai
|