re, Michel, Jacques et Paul, et marcha a grands pas vers
l'appartement de Mme Dabrovine. Il entra dans le joli salon ou il
passait une partie de ses journees, s'y promena quelques instants,
s'arreta, prit les mains de sa niece, la contempla en silence et dit:
"C'est toi seule qui es et qui seras ma fille. Douce, bonne, tendre,
honnete et sincere, tu as fait des enfants a ton image! L'autre n'aura
rien, rien.
Madame Dabrovine: Oh! Mon oncle, je vous en prie!
Le general: lui serrant les mains: Tais-toi, tais-toi! Tu vas me rendre
la colere qui a manque m'etouffer. Laisse-moi oublier cette scene et la
platitude revoltante de ta soeur; pres de toi et de tes enfants, je me
sens aime, j'aime et je suis heureux; pres de l'autre, je hais et je
meprise. Jouez, mes enfants, ajouta-t-il en se tournant vers Jacques,
Paul et ses neveux: je ne crains pas le bruit. Amusez-vous bien.
Jacques: General, est-ce que nous pouvons jouer a cache-cache et courir
dans le corridor?
Le general: A cache-cache, a la guerre, a l'assaut, a tout ce que vous
voudrez. Ma seule contrariete sera de ne pouvoir courir avec vous.
Mais auparavant allez me chercher Derigny. Natalie, je commence mon
etablissement du soir chez toi; me permets-tu de fumer?
Madame Dabrovine: Avez-vous besoin de le demander, mon oncle? Vous avez
donc oublie combien j'aimais l'odeur du tabac?
Le general: Non, je me le rappelle; mais, je craignais....
Madame Dabrovine: De me faire penser a mon pauvre Dmitri, qui fumait
toujours avec vous? Je ne l'oublie jamais, dans aucune circonstance, et
j'aime tout ce qui me le rappelle!"
Le general ne repondit pas et rapprocha son fauteuil de celui de sa
niece, lui prit la main, la serra et resta pensif.
X
CAUSERIES INTIMES
Ses reflexions furent interrompues par le retour bruyant des enfants;
ils arrivaient, trainant apres eux Derigny, qui partageait leur gaiete
et qui faisait mine de vouloir s'echapper. Il reprit son serieux en se
presentant devant le general.
"Les enfants disent que vous me demandez, mon general.
--Oui, mon ami; apportez-moi ma boite de cigares, ma pipe et nos livres
de comptes et d'affaires; a l'avenir nous travaillerons ici le soir,
puisque ma niece veut bien le permettre et qu'elle trouve que je ne la
derange pas en m'etablissant chez elle.
--Merci, mon oncle; que vous etes bon! s'ecria Natasha en se jetant a
son cou. Voyez, voyez, comme le visage de maman est change! elle a l'air
presque
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