lus beaux chevaux de mes ecuries. Je dis que c'est
par trop fort! Ses commissions ne vous donneront pas beaucoup de peine,
Derigny; voici le respect qui leur est du."
Le general dechira en mille morceaux la feuille ecrite par Mme Papofski,
se leva en riant et en se frottant les mains, embrassa sa niece, sa
petite-niece, ses petits-neveux, et quitta le salon avec Derigny pour
aller se coucher.
Les enfants, qui avaient fait une veillee extraordinaire et qui
s'etaient amuses, ereintes, ne furent pas faches d'en faire autant; il
etait neuf heures et demie. Mme Dabrovine et Natasha ramasserent les
livres, les cahiers epars, et les rangerent dans les armoires destinees
a cet usage, pendant que la femme de chambre et bonne tout a la fois
preparait le coucher des garcons et rangeait les habits pour le
lendemain. Natasha, avec gaiete: "Mme Derigny a cru que nous apportions
tout ce que nous possedons, maman; voyez que d'armoires nous avons; une
seule suffit pour contenir tous nos effets, et il reste encore bien de
la place."
Madame Dabrovine: "Elle nous croit plus riches que nous ne sommes, ma
chere enfant."
Natasha: "Maman, comme mon oncle est bon pour nous!"
Madame Dabrovine: "Oui, bien bon! il l'a toujours ete pour moi et pour
ton pauvre pere; nous l'aimions bien aussi."
Natasha: "Maman... pourquoi n'est-il pas bon pour ma tante?"
Madame Dabrovine: "Je ne sais pas, chere petite; peut-etre a-t-il eu a
s'en plaindre. Tu sais que ta tante n'est pas toujours aimable."
Natasha: "Elle n'est jamais aimable, maman, du moins pour nous. Pourquoi
donc ne vous aime-t-elle pas, vous qui etes si bonne?"
Madame Dabrovine: "Je l'ai peut-etre offensee sans le vouloir. Elle n'a
probablement pas tous les torts."
Natasha: "Mais vous, maman, vous n'en avez certainement aucun. Je le
sais. J'en suis sure."
Madame Dabrovine: "Tu parles comme on parle a ton age, ma chere petite,
sans beaucoup reflechir. Comment pouvons-nous savoir si on n'a pas fait
a ta tante quelque faux rapport sur nos sentiments et notre langage a
son egard."
Natasha: "Si on lui en a fait, elle ne devrait pas y croire, vous
connaissant si bonne, si franche, si serviable, si pleine de coeur."
--C'est parce que tu m'aimes beaucoup que tu me juges ainsi, ma bonne
fille", dit Mme Dabrovine en embrassant Natasha et en la serrant contre
son coeur.
Elle souriait en l'embrassant; Natasha, heureuse de ce sourire presque
gai, etouffa sa mere de baisers; puis
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