Pourquoi restez-vous la? Par
ou etes-vous entre?"
L'etranger: "Par les bois, ou je me suis perdu. Je meurs de faim et de
froid; je n'ai rien pris depuis avant-hier soir."
Jacques: "Pauvre malheureux! Je vais vite aller chercher quelque chose a
manger et prevenir papa."
L'etranger: "Non, non; ne dites pas que je suis ici. Ne dites rien. Je
suis perdu si vous me denoncez."
Jacques: "Papa ne vous denoncera pas. N'ayez pas peur. Attendez-nous.
Viens vite, Paul, apportons a manger a ce pauvre homme."
Avant que l'etranger eut eu le temps de renouveler sa priere, les deux
freres etaient disparus en courant. Le malheureux se laissa tomber; il
fit un geste de desespoir.
"Perdu! perdu! dit-il. On va venir, et je n'ai plus de forces pour me
relever. Mon Dieu! mon Dieu! ayez pitie de moi! Apres m'avoir sauve de
tant de dangers, ne me laissez pas retomber dans les mains de mes cruels
bourreaux. Mon Dieu, ma bonne sainte Vierge, protegez-moi!"
Il serra, contre son coeur une petite croix de bois, la porta a ses
levres, pria et attendit.
Quelques minutes a peine s'etaient ecoulees, qu'il entendit marcher,
parler, et qu'il vit les deux enfants, accompagnes d'un homme qui
avancait a grands pas; les enfants couraient.
Derigny, car c'etait lui, approcha, et, avant de parler, il versa un
verre de vin, qu'il fit avaler a l'infortune, mourant de besoin; ensuite
il lui fit boire une tasse de bouillon encore chaud, dans lequel il
avait fait tremper une tranche de pain. L'inconnu mangeait avec avidite;
ses regards exprimaient la reconnaissance et la joie.
"Assez, mon pauvre homme, dit Derigny en lui refusant le reste du pain
que les enfants avaient apporte. Trop manger vous ferait mal apres un si
long jeune. Dans une heure vous mangerez encore. Essayez de vous lever
et de venir au chateau.
--Le chateau de qui? Chez qui etes-vous? dit l'etranger d'une voix
faible."
Derigny: "Chez M. le general comte Dourakine."
L'etranger: "Dourakine! Dourakine! Comment! lui, Dourakine? Est-il
encore le brave, l'excellent homme que j'ai connu?"
Derigny: "Toujours le meilleur des hommes! Un peu vif parfois, mais bon
a se faire aimer de tout le monde."
L'etranger: "Prevenez-le... Allez lui dire... Mais non; je vais essayer
de marcher. Je me sens mieux."
L'etranger voulut se lever; il retomba aussitot.
"Je ne peux pas, dit-il avec decouragement."
Derigny: "Voulez-vous qu'on le previenne? Il est chez lui."
L'etranger: "Je
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