x entrecoupee lui repondit.
C'etait la fillette qui, couchant toujours dans la chambre de sa mere,
avait peur en sa soupente etroite.
Rosa, ravie, se leva, et doucement, pour ne reveiller personne, alla
chercher l'enfant. Elle l'amena dans son lit bien chaud, la pressa
contre sa poitrine en l'embrassant, la dorlota, l'enveloppa de sa
tendresse aux manifestations exagerees, puis, calmee elle-meme,
s'endormit. Et jusqu'au jour la communiante reposa son front sur le sein
nu de la prostituee.
Des cinq heures, a _l'Angelus_, la petite cloche de l'eglise sonnant a
toute volee reveilla ces dames qui dormaient ordinairement leur matinee
entiere, seul repos des fatigues nocturnes. Les paysans dans le village
etaient deja debout. Les femmes du pays allaient affairees de porte en
porte, causant vivement, apportant avec precaution de courtes robes de
mousseline empesees comme du carton, ou des cierges demesures, avec un
noeud de soie frangee d'or au milieu, et des decoupures de cire
indiquant la place de la main. Le soleil deja haut rayonnait dans un
ciel tout bleu qui gardait vers l'horizon une teinte un peu rosee, comme
une trace affaiblie de l'aurore. Des familles de poules se promenaient
devant leurs maisons; et, de place en place, un coq noir au cou luisant
levait sa tete coiffee de pourpre, battait des ailes, et jetait au vent
son chant de cuivre que repetaient les autres coqs.
Des carrioles arrivaient des communes voisines, dechargeant au seuil des
portes les hautes Normandes en robes sombres, au fichu croise sur la
poitrine et retenu par un bijou d'argent seculaire. Les hommes avaient
passe la blouse bleue sur la redingote neuve ou sur le vieil habit de
drap vert dont les deux basques passaient.
Quand les chevaux furent a l'ecurie, il y eut ainsi tout le long de la
grande route une double ligne de guimbardes rustiques, charrettes,
cabriolets, tilburys, chars a bancs, voitures de toute forme et de tout
age, penchees sur le nez ou bien cul par terre et les brancards au ciel.
La maison du menuisier etait pleine d'une activite de ruche. Ces dames,
en caraco et en jupon, les cheveux repandus sur le dos, des cheveux
maigres et courts qu'on aurait dits ternis et ronges par l'usage,
s'occupaient a habiller l'enfant.
La petite, debout sur une table, ne remuait pas, tandis que Mme Tellier
dirigeait les mouvements de son bataillon volant. On la debarbouilla, on
la peigna, on la coiffa, on la vetit, et, a l'aide d'une multi
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