mier,
tandis que lui chantait, comptant ses triomphes; et dans toutes les
cours tous les coqs lui repondaient, comme si, d'une ferme a l'autre,
ils se fussent envoye des defis amoureux.
La servante les regardait sans penser; puis elle leva les yeux et fut
eblouie par l'eclat des pommiers en fleur, tout blancs comme des tetes
poudrees.
Soudain un jeune poulain, affole de gaiete, passa devant elle en
galopant. Il fit deux fois le tour des fosses plantes d'arbres, puis
s'arreta brusquement et tourna la tete comme etonne d'etre seul.
Elle aussi se sentait une envie de courir, un besoin de mouvement et, en
meme temps, un desir de s'etendre, d'allonger ses membres, de se reposer
dans l'air immobile et chaud. Elle fit quelques pas, indecise, fermant
les yeux, saisie par un bien-etre bestial; puis, tout doucement, elle
alla chercher les oeufs au poulailler. Il y en avait treize, qu'elle
prit et rapporta. Quand ils furent serres dans le buffet, les odeurs de
la cuisine l'incommoderent de nouveau et elle sortit pour s'asseoir un
peu sur l'herbe.
La cour de ferme, enfermee par les arbres, semblait dormir. L'herbe
haute, ou des pissenlits jaunes eclataient comme des lumieres, etait
d'un vert puissant, d'un vert tout neuf de printemps. L'ombre des
pommiers se ramassait en rond a leurs pieds; et les toits de chaume des
batiments, au sommet desquels poussaient des iris aux feuilles pareilles
a des sabres, fumaient un peu comme si l'humidite des ecuries et des
granges se fut envolee a travers la paille.
La servante arriva sous le hangar ou l'on rangeait les chariots et les
voitures. Il y avait la, dans le creux du fosse, un grand trou vert
plein de violettes dont l'odeur se repandait, et, par-dessus le talus,
on apercevait la campagne, une vaste plaine ou poussaient les recoltes,
avec des bouquets d'arbres par endroits, et, de place en place, des
groupes de travailleurs lointains, tout petits comme des poupees, des
chevaux blancs pareils a des jouets, trainant une charrue d'enfant
poussee par un bonhomme haut comme le doigt.
Elle alla prendre une botte de paille dans un grenier et la jeta dans ce
trou pour s'asseoir dessus; puis, n'etant pas a son aise, elle defit le
lien, eparpilla son siege et s'etendit sur le dos, les deux bras sous sa
tete et les jambes allongees.
Tout doucement elle fermait les yeux, assoupie dans une mollesse
delicieuse. Elle allait meme s'endormir tout a fait, quand elle sentit
deux mains qui lui
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