e le jure sur le bon Dieu.
Alors elle ouvrit les doigts et, sans ajouter une parole, s'en alla.
Elle fut quelques jours sans pouvoir lui parler, et, l'ecurie se
trouvant desormais fermee a clef toutes les nuits, elle n'osait pas
faire de bruit de crainte du scandale.
Puis, un matin, elle vit entrer a la soupe un autre valet. Elle demanda:
--Jacques est parti?
--Mais oui, dit l'autre, je suis a sa place.
Elle se mit a trembler si fort, qu'elle ne pouvait decrocher sa marmite;
puis, quand tout le monde fut au travail, elle monta dans sa chambre et
pleura, la face dans son traversin, pour n'etre pas entendue.
Dans la journee, elle essaya de s'informer sans eveiller les soupcons;
mais elle etait tellement obsedee par la pensee de son malheur qu'elle
croyait voir rire malicieusement tous les gens qu'elle interrogeait. Du
reste, elle ne put rien apprendre, sinon qu'il avait quitte le pays tout
a fait.
II
Alors commenca pour elle une vie de torture continuelle. Elle
travaillait comme une machine, sans s'occuper de ce qu'elle faisait,
avec cette idee fixe en tete: "Si on le savait!"
Cette obsession constante la rendait tellement incapable de raisonner
qu'elle ne cherchait meme pas les moyens d'eviter ce scandale qu'elle
sentait venir, se rapprochant chaque jour, irreparable, et sur comme la
mort.
Elle se levait tous les matins bien avant les autres et, avec une
persistance acharnee, essayait de regarder sa taille dans un petit
morceau d'une glace cassee qui lui servait a se peigner, tres anxieuse
de savoir si ce n'etait pas aujourd'hui qu'on s'en apercevrait.
Et, pendant le jour, elle interrompait a tout instant son travail, pour
considerer du haut en bas si l'ampleur de son ventre ne soulevait pas
trop son tablier.
Les mois passaient. Elle ne parlait presque plus et, quand on lui
demandait quelque chose, ne comprenait pas, effaree, l'oeil hebete, les
mains tremblantes; ce qui faisait dire a son maitre:
--Ma pauvre fille, que t'es sotte depuis quelque temps!
A l'eglise, elle se cachait derriere un pilier, et n'osait plus aller a
confesse, redoutant beaucoup la rencontre du cure, a qui elle pretait un
pouvoir surhumain lui permettant de lire dans les consciences.
A table, les regards de ses camarades la faisaient maintenant defaillir
d'angoisse, et elle s'imaginait toujours etre decouverte par le vacher,
un petit gars precoce et sournois dont l'oeil luisant ne la quittait
pas.
Un ma
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