nne-moi ca, lui dit sa femme, et prends
le marbre de la commode."
Il obeit en soufflant et il percha le marbre sur son epaule avec un
effort considerable.
Alors le couple partit. Caravan se baissa sous la porte, se mit a
descendre en tremblant l'escalier, tandis que sa femme, marchant a
reculons, l'eclairait d'une main, ayant la pendule sous l'autre bras.
Lorsqu'ils furent chez eux, elle poussa un grand soupir.--"Le plus gros
est fait, dit-elle; allons chercher le reste."
Mais les tiroirs du meuble etaient tout pleins des bardes de la vieille.
Il fallait bien cacher cela quelque part.
Mme Caravan eut une idee:--"Va donc prendre le coffre a bois en sapin
qui est dans le vestibule; il ne vaut pas quarante sous, on peut bien le
mettre ici." Et quand le coffre fut arrive, on commenca le transport.
Ils enlevaient, l'un apres l'autre, les manchettes, les collerettes,
les chemises, les bonnets, toutes les pauvres nippes de la bonne femme
etendue la, derriere eux, et les disposaient methodiquement dans le
coffre a bois de facon a tromper Mme Braux, l'autre enfant de la
defunte, qui viendrait le lendemain.
Quand ce fut fini, on descendit d'abord les tiroirs, puis le corps du
meuble en le tenant chacun par un bout; et tous deux chercherent pendant
longtemps a quel endroit il ferait le mieux. On se decida pour la
chambre, en face du lit, entre les deux fenetres.
Une fois la commode en place, Mme Caravan l'emplit de son propre linge.
La pendule occupa la cheminee de la salle; et le couple considera
l'effet obtenu. Ils en furent aussitot enchantes:--"Ca fait tres bien,"
dit-elle. Il repondit:--"Oui, tres Bien." Alors ils se coucherent. Elle
souffla la bougie; et tout le monde bientot dormit aux deux etages de la
maison.
Il etait deja grand jour lorsque Caravan rouvrit les yeux. Il avait
l'esprit confus a son reveil, et il ne se rappela l'evenement qu'au
bout de quelques minutes. Ce souvenir lui donna un grand coup dans la
poitrine; et il sauta du lit, tres emu de nouveau, pret a pleurer.
Il monta bien vite a la chambre au-dessus, ou Rosalie dormait encore,
dans la meme posture que la veille n'ayant fait qu'un somme de toute la
nuit. Il la renvoya a son ouvrage, remplaca les bougies consumees, puis
il considera sa mere en roulant dans son cerveau ces apparences de
pensees profondes, ces banalites religieuses et philosophiques qui
hantent les intelligences moyennes en face de la mort.
Mais comme sa femme l'appe
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