donc quelques instants pour que je puisse vous remercier.
Et j'entrai, parbleu.
C'etait modeste, meme un peu pauvre, mais simple et bien arrange, chez
elle.
Nous nous assimes cote a cote sur un petit canape, et elle me parla de
nouveau de sa solitude.
Elle sonna sa bonne, afin de m'offrir quelque chose a boire. La bonne ne
vint pas. J'en fus ravi en supposant que cette bonne-la ne devait etre
que du matin: ce qu'on appelle une femme de menage.
Elle avait ote son chapeau. Elle etait vraiment gentille avec ses yeux
clairs fixes sur moi, si bien fixes, si clairs que j'eus une tentation
terrible et j'y cedai. Je la saisis dans mes bras, et sur ses paupieres
qui se fermerent soudain, je mis des baisers ... des baisers ... des
baisers ... tant et plus.
Elle se debattait en me repoussant et repetant: "Finissez ... finissez
... finissez donc."
Quel sens donnait-elle a ce mot? En des cas pareils, "finir" peut en
avoir au moins deux. Pour la faire taire je passai des yeux a la bouche,
et je donnai au mot "finir" la conclusion que je preferais. Elle ne
resista pas trop, et quand nous nous regardames de nouveau, apres cet
outrage a la memoire du capitaine tue au Tonkin, elle avait un air
alangui, attendri, resigne, qui dissipa mes inquietudes.
Alors je fus galant, empresse et reconnaissant. Et apres une nouvelle
causerie d'une heure environ, je lui demandai:
--Ou dinez-vous?
--Dans un petit restaurant des environs.
--Toute seule?
--Mais oui.
--Voulez-vous diner avec moi?
--Ou ca?
--Dans un bon restaurant du boulevard.
Elle resista un peu. J'insistai: elle ceda, en se donnant a elle-meme
cet argument: "Je m'ennuie tant ... tant," puis elle ajouta: "Il faut
que je passe une robe un peu moins sombre."
Et elle entra dans sa chambre a coucher.
Quand elle en sortit, elle etait en demi-deuil, charmante, fine et
mince, dans une toilette grise et fort simple. Elle avait evidemment
tenue de cimetiere et tenue de ville.
Le diner fut tres cordial. Elle but du champagne, s'alluma, s'anima et
je rentrai chez elle, avec elle.
Cette liaison nouee sur les tombes dura trois semaines environ. Mais on
se fatigue de tout, et principalement des femmes. Je la quittai sous
pretexte d'un voyage indispensable. J'eus un depart tres genereux, dont
elle me remercia beaucoup. Et elle me fit promettre, elle me fit jurer
de revenir apres mon retour, car elle semblait vraiment un peu attachee
a moi.
Je courus a d
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