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nfinies, comme si ma vie eut dependu du moindre bruit que j'aurais fait, et je regardai par-dessus le bord. Je fus ebloui par le plus merveilleux, le plus etonnant spectacle qu'il soit possible de voir. C'etait une de ces fantasmagories du pays des fees, une de ces visions racontees par les voyageurs qui reviennent de tres loin et que nous ecoutons sans les croire. Le brouillard qui, deux heures auparavant, flottait sur l'eau, s'etait peu a peu retire et ramasse sur les rives. Laissant le fleuve absolument libre, il avait forme sur chaque berge une colline ininterrompue, haute de six ou sept metres, qui brillait sous la lune avec l'eclat superbe des neiges. De sorte qu'on ne voyait rien autre chose que cette riviere lamee de feu entre ces deux montagnes blanches; et la-haut, sur ma tete, s'etalait, pleine et large, une grande lune illuminante au milieu d'un ciel bleuatre et laiteux. Toutes les betes de l'eau s'etaient reveillees; les grenouilles coassaient furieusement, tandis que, d'instant en instant, tantot a droite, tantot a gauche, j'entendais cette note courte, monotone et triste, que jette aux etoiles la voix cuivree des crapauds. Chose etrange, je n'avais plus peur; j'etais au milieu d'un paysage tellement extraordinaire que les singularites les plus fortes n'eussent pu m'etonner. Combien de temps cela dura-t-il, je n'en sais rien, car j'avais fini par m'assoupir. Quand je rouvris les yeux, la lune etait couchee, le ciel plein de nuages. L'eau clapotait lugubrement, le vent soufflait, il faisait froid, l'obscurite etait profonde. Je bus ce qui me restait de rhum, puis j'ecoutai en grelottant le froissement des roseaux et le bruit sinistre de la riviere. Je cherchai a voir, mais je ne pus distinguer mon bateau, ni mes mains elles-memes, que j'approchais de mes yeux. Peu a peu, cependant, l'epaisseur du noir diminua. Soudain je crus sentir qu'une ombre glissait tout pres de moi; je poussai un cri, une voix repondit; c'etait un pecheur. Je l'appelai, il s'approcha et je lui racontai ma mesaventure. Il mit alors son bateau bord a bord avec le mien, et tous les deux nous tirames sur la chaine. L'ancre ne remua pas. Le jour venait, sombre, gris, pluvieux, glacial, une de ces journees qui vous apportent des tristesses et des malheurs. J'apercus une autre barque, nous la helames. L'homme qui la montait unit ses efforts aux notres; alors, peu a peu, l'ancre ceda. Elle montait, mais doucement, doucement, et
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