s cette portion de la cour, et sa conviction s'en
affermit que c'etait lui qui venait de rentrer.
Le duc s'assit, ouvrit un livre, et essaya de lire. C'etait une
histoire de France depuis Pharamond jusqu'a Henri II, et pour
laquelle, quelques jours apres son avenement au trone, il avait
donne privilege.
Mais l'esprit du duc n'etait point la: la fievre de l'attente
brulait ses arteres. Les battements de ses tempes retentissaient
jusqu'au fond de son cerveau; comme on voit dans un reve ou dans
une extase magnetique, il semblait a Francois qu'il voyait a
travers les murailles; son regard plongeait dans la chambre de
Henri, malgre le triple obstacle qui le separait de lui.
Pour ecarter l'objet terrible qu'il croyait voir avec les yeux de
la pensee, le duc essaya de fixer la sienne sur autre chose que
sur le livre terrible ouvert sur le pupitre de bois de chene a
l'endroit de l'image; mais ce fut inutilement qu'il prit l'une
apres l'autre ses armes, l'un apres l'autre ses joyaux, qu'il
arpenta cent fois le meme sillon du parquet, chaque detail de
cette image, que le duc n'avait qu'entrevue cependant, lui etait
reste dans l'esprit. C'etait un seigneur a cheval qui, remplissant
lui-meme l'office d'un valet de fauconnerie, lancait le leurre en
rappelant le faucon et en courant au grand galop de son cheval
dans les herbes d'un marecage. Si violente que fut la volonte du
duc, le souvenir triomphait de sa volonte.
Puis, ce n'etait pas seulement le livre qu'il voyait, c'etait le
roi de Navarre s'approchant de ce livre, regardant cette image,
essayant de tourner les pages, et, empeche par l'obstacle qu'elles
opposaient, triomphant de l'obstacle en mouillant son pouce et en
forcant les feuilles a glisser.
Et a cette vue, toute fictive et toute fantastique qu'elle etait,
d'Alencon chancelant etait force de s'appuyer d'une main a un
meuble, tandis que de l'autre il couvrait ses yeux comme si, les
yeux couverts, il ne voyait pas encore mieux le spectacle qu'il
voulait fuir.
Ce spectacle etait sa propre pensee.
Tout a coup d'Alencon vit Henri qui traversait la cour; celui-ci
s'arreta quelques instants devant des hommes qui entassaient sur
deux mules des provisions de chasse qui n'etaient autres que de
l'argent et des effets de voyage, puis, ses ordres donnes, il
coupa diagonalement la cour, et s'achemina visiblement vers la
porte d'entree.
D'Alencon etait immobile a sa place. Ce n'etait donc pas Henri qui
etait monte
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