lui
avait ordonne son frere, que le chapitre fut acheve.
XIX
La chasse au vol
Charles lisait toujours. Dans sa curiosite, il devorait les pages;
et chaque page, nous l'avons dit, soit a cause de l'humidite a
laquelle elles avaient ete longtemps exposees, soit pour tout
autre motif, adherait a la page suivante.
D'Alencon considerait d'un oeil hagard ce terrible spectacle dont
il entrevoyait seul le denouement.
-- Oh! murmura-t-il, que va-t-il donc se passer ici? Comment! je
partirais, je m'exilerais, j'irais chercher un trone imaginaire,
tandis que Henri, a la premiere nouvelle de la maladie de Charles,
reviendrait dans quelque ville forte a vingt lieues de la
capitale, guettant cette proie que le hasard nous livre, et
pourrait d'une seule enjambee etre dans la capitale; de sorte
qu'avant que le roi de Pologne eut seulement appris la nouvelle de
la mort de mon frere, la dynastie serait deja changee: c'est
impossible!
C'etaient ces pensees qui avaient domine le premier sentiment
d'horreur involontaire qui poussait Francois a arreter Charles.
C'etait cette fatalite perseverante qui semblait garder Henri et
poursuivre les Valois, contre laquelle le duc allait encore
essayer une fois de reagir.
En un instant tout son plan venait de changer a l'egard de Henri.
C'etait Charles et non Henri qui avait lu le livre empoisonne;
Henri devait partir, mais partir condamne. Du moment ou la
fatalite venait de le sauver encore une fois, il fallait que Henri
restat; car Henri etait moins a craindre prisonnier a Vincennes ou
a la Bastille, que le roi de Navarre a la tete de trente mille
hommes.
Le duc d'Alencon laissa donc Charles achever son chapitre; et
lorsque le roi releva la tete:
-- Mon frere, lui dit-il, j'ai attendu parce que Votre Majeste l'a
ordonne, mais c'etait a mon grand regret, parce que j'avais des
choses de la plus haute importance a vous dire.
-- Ah! au diable! dit Charles, dont les joues pales
s'empourpraient peu a peu, soit qu'il eut mis une trop grande
ardeur a sa lecture, soit que le poison commencat a agir; au
diable! si tu viens encore me parler de la meme chose, tu partiras
comme est parti le roi de Pologne. Je me suis debarrasse de lui,
je me debarrasserai de toi, et plus un mot la-dessus.
-- Aussi, mon frere, dit Francois, ce n'est point de mon depart
que je veux vous entretenir, mais de celui d'un autre. Votre
Majeste m'a atteint dans mon sentiment le plus profond et le plus
del
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